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château de Bonne-Fontaine, situé à 1 kilomètre et remontant au xvie siècle, n’est pas ouvert aux étrangers.

Le trajet d’Antrain à Combourg est d’environ 25 kilomètres. La voiture traverse un plateau d’où l’on a vue sur tout le pays : au nord, la forêt de Villequartier, dans la direction de Pleine-Fougères, et à l’opposé, vers Saint-Aubin-du-Cormier, les bourges de Rimaux et de Romazy, bâtis sur des sommets qui dominent la vallée du Couesnon. La vue s’étend sur ce vaste panorama moutonné où se développent, d’une part, une chaîne de hauteurs qui, dans la direction du sud, vient finir à la forêt de Rennes, à quelques kilomètres de Liffré, et d’autre part, les terrains plus abaissés qui se heurtent aux vallonnements dominant Pontorson, Pleine-Fougères et le marais de Dol. La route suit la direction ouest, et l’on arrive à Bazouges-la-Pérouse où le courrier prend à la poste les sacs de dépêches. Je profite de l’arrêt pour visiter l’église qui conserve des morceaux du xive siècle : chapelle, bénitier, vitrail. La diligence se remet en route. À 6 kilomètres, arrêt à Noyal-sous-Bazouges, où se voit un menhir de 5 mètres de hauteur dont la base a une circonférence de près de 8 mètres. Le conducteur a pris les lettres, on repart. C’est d’ailleurs, tout le long du chemin, un échelonnement de gens qui font voir de loin le carré blanc d’une lettre que le voiturier saisit au vol. Cela ressemble beaucoup au jeu des anneaux où s’exercent les cavaliers des chevaux de bois. Les physionomies des gens, leurs recommandations naïves, les nouvelles échangées, les renseignements fournis d’un mot coupé par le vent, éveillent la curiosité et l’incitent à se satisfaire. Le messager s’explique bien et posément, sur les gens, sur son métier, et enfin sur lui-même, sur le souci qu’il a de son service militaire. Il voudrait servir au train des équipages, s’y perfectionner dans la conduite des attelages et le maniement des chevaux, et revenir au pays et à sa profession, mais sa taille l’inquiète, il craint l’infanterie où peut-être il ne serait même pas muletier. Je ne puis, en descendant à la gare de Combourg, limite du trajet, que lui souhaiter bonne chance.

La gare de Combourg n’est pas Combourg. Encore 1 500 mètres à faire. Je les fais à pied par une large route bordée de maisons. Dès les premières habitations du bourg, l’attention est mise en éveil par l’aspect pittoresque de cet amas de constructions qui ont conservé, en grand nombre, le caractère du xvie siècle. L’ « abominable rue de Combourg », selon l’expression de Chateaubriand, a été améliorée, on y a mis des trottoirs, la chaussée a été pavée, on a dressé, au cœur de la petite cité, une halle qui abrite le marché aux grains et les vendeurs qui viennent s’y installer chaque lundi et les jours de foire. Précisément, demain lundi sera un de ces jours où les cultivateurs et les éleveurs des environs viendront avec leur récolte et leur bétail. J’aurai le spectacle de cette animation hebdomadaire, mais par contre, on me dit qu’il me sera probablement impossible de pénétrer au Château, où les étrangers ne sont admis que le mercredi. Heureusement, Mme de Chateaubriand, petite nièce de l’illustre écrivain, est présente à Combourg. Elle veut bien, sur le désir que je lui fais transmettre, m’autoriser à visiter le domaine demain, après le déjeuner.

RENNES, L’HÔTEL DE VILLE.

Je dispose donc aujourd’hui de toute la matinée pour parcourir les rues, faire le tour de l’étang, des murailles du château, — hier soir déjà, j’ai vu se dresser dans la nuit sa masse rébarbative trouée de quelques lumières. C’est au cours de ma promenade circulaire du matin que je lis, à la porte d’une chaumière, dans un chemin en contre-bas du château, cette enseigne tracée sur une planche :

ICI ONT VEnD DES SenSURES en TOUTES SAISONS Vve TRUFAUD À L’ABAYE