Page:Le Tour du monde, nouvelle série - 08.djvu/292

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ne pouvaient voir de leur fenêtre grillée que le pavé humide de la cour et un carré de ciel que colorait la saison. Leur promenade journalière était sur la plate-forme.

Si, du château, on va immédiatement à terre, à Carantec, par exemple, on peut, pour atteindre Morlaix, suivre un chemin qui longe le Dossen. Si l’on continue le trajet en bateau, comme je le fais, on débarque en ville sur le quai, vis-à-vis les murailles du Nec’hoat, château et parc du général Le Flô. On a, devant soi, l’immense viaduc qui domine toutes les maisons de la ville, et même le clocher carré de Saint-Mathieu et la flèche de Saint-Melaine.

À travers les arches géantes du viaduc, on aperçoit la place de l’Hôtel-de-Ville, autrefois la Grand’place, aujourd’hui la place Thiers, les maisons vieilles et neuves qui l’encadrent, l’Hôtel de Ville qui fait le fond. Si l’on veut voir la ville dans son ensemble, c’est au viaduc qu’il faut monter. Le viaduc, c’est le monument de Morlaix, c’est lui qui est à tous les plans, c’est lui qui écrase tout, c’est lui que l’on aperçoit de partout. On l’a édifié pour faire franchir au chemin de fer l’espace centre les deux collines où s’encaisse Morlaix. Sa première pierre a été posée le 20 juillet 1861, par MM. Planchat et Fenoux, ingénieurs. Sa longueur est de 284m50, sa hauteur, y compris les fondations, est de 64 mètres, et de 58 mètres au-dessus du sol. Il permet deux circulations : l’une, au sommet, pour les trains ; l’autre, à mi-hauteur, pour les piétons. Surtout du sommet, la vision est inoubliable. D’un côté Morlaix entassé au creux de sa vallée, avec ses deux rivières, ses vieilles maisons à pignons pointus, son dédale de rues et de venelles, ses places, ses églises, tout cela léger, bleuâtre, fantomatique, à travers les fumées qui sortent de tous les toits de la ville, tout cela dominé par les jardins étagés et par les hauteurs de Saint-Martin, de Saint-Nicolas, du Créhou. De l’autre côté, le double alignement des quais de Tréguier et de Léon, et la rivière pleine ou vide, dont l’eau ou la trace va vers la mer, entre les hauteurs de Saint-François et les bois de Coatserho-Nevez et du Nec’hoat.

MORLAIX.

L’histoire de la ville que l’on voit là, entassée, fumante et vivante, a été singulièrement mouvementée. De l’ancienne cité close, de ses remparts, de ses portes, de son château, il n’y a plus que les vestiges de quelques pierres ; mais les souvenirs sont restés, de tant de batailles entre les ducs bretons et les seigneurs