LA BRETAGNE DU CENTRE[1]
I. — Le Pays de Ploërmel.
’entre en Bretagne par Châteaubriant pour explorer la région du Centre. Châteaubriant
est une ville allongée au bord de la Chère, ceinturée de vestiges
de rempart et d’une promenade d’ormeaux sur ses fossés comblés. Vieilles
pierres et beaux arbres entourent une petite cité où quelques maisons à pignons
sont perdues parmi les rues claires et étroites. La rude industrie de la ville,
presque disparue aujourd’hui, fut le cuir. Sa douce industrie, c’est la conserve
d’angélique, l’angélique officinale, dite aussi archangélique. Le grand souvenir,
c’est Françoise de Foix, comtesse de Châteaubriant. Elle a habité le château,
ou plutôt les châteaux, et chacune de ces demeures est comme une image contrastée
de sa destinée légendaire ; car cette fois, comme souvent, la légende et
l’histoire voisinent, se pénètrent, confondent leur mensonge et leur vérité. Prenons-les
comme elles se présentent, quitte à conclure prudemment ensuite.
Françoise de Foix, fille de Jean de Foix, vicomte de Lautrec, apparentée à la
maison de Navarre, monta de son Midi pour être épousée, ses douze ans à peine
passés, par Jean de Laval, comte de Châteaubriant, qui s’enferma avec cette
femme-enfant dans son château féodal. C’est le premier décor de l’existence de
Françoise, et ce qu’il en reste est de farouche apparence : une entrée gardée
par deux tours, une enceinte de murailles, quatre tours aux angles, un donjon
à l’intérieur, le tout ruiné, écroulé, fendillé, ébréché. La première phase de
l’existence de cette épouse, jalousement ravie au monde, se passa dans cette
prison massive et hautaine. Puis il y eut un changement de domicile, et tout en
restant prisonnière, Françoise de Châteaubriant eut une prison plus fleurie. Jean de Laval fit construire, auprès
de sa forteresse féodale, un délicieux logis, commencé en 1524, terminé en 1538. C’est le Château Neuf auprès
du Vieux Château, le petit palais orné de la Renaissance, né à l’ombre de la construction militaire du Moyen
Âge : la porte entre une tour et une tourelle ; un jardin sur lequel s’ouvrent les fenêtres de deux façades
- ↑ La première partie de cette relation a paru sous le titre de : La Bretagne du Nord, année 1902, livraisons 19 à 26. Les photographies ont été exécutées par M. Paul Gruyer.