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PLOËRMEL : BOUTIQUE DE SELLIER. — TOURNANT DE RUE DOMINÉ PAR L’ÉGLISE. — L’HÔTEL DU DUC DE MERCŒUR OCCUPÉ PAR UN SABOTIER.


LA BRETAGNE DU CENTRE[1]

PAR M. GUSTAVE GEFFROY.


I. — Le Pays de Ploërmel.


Châteaubriant. — Le cuir et l’angélique. — Françoise de Châteaubriant. — Femme martyrisée ou favorite en retraite. — Pierres druidiques. — Soir à Guichen. — Châteaux dans la verdure. — Souvenirs de chouannerie. — Ploërmel et son serpent. — Au petit séminaire. — L’Hôtel du duc de Mercœur. — Les vitraux de Saint-Armel. — La forêt de Paimpont. — Le hameau de Folle-Pensée. — La Fée de la farine ou du plâtre. — Sous bois. — La forêt de Brocéliande. — Les chevaliers de la Table Ronde. — Merlin l’Enchanteur. — Viviane. — La fontaine Barenton. — Le Géant Noir. — Paysage de sorcellerie et de guerre civile. — Les Forges. — Le combat des Trente. — Josselin. — Le château. — N. D. du Roncier. — Les bonnes femmes à l’église.


CROIX ORNÉE EN FORME DE TAU.


Jentre en Bretagne par Châteaubriant pour explorer la région du Centre. Châteaubriant est une ville allongée au bord de la Chère, ceinturée de vestiges de rempart et d’une promenade d’ormeaux sur ses fossés comblés. Vieilles pierres et beaux arbres entourent une petite cité où quelques maisons à pignons sont perdues parmi les rues claires et étroites. La rude industrie de la ville, presque disparue aujourd’hui, fut le cuir. Sa douce industrie, c’est la conserve d’angélique, l’angélique officinale, dite aussi archangélique. Le grand souvenir, c’est Françoise de Foix, comtesse de Châteaubriant. Elle a habité le château, ou plutôt les châteaux, et chacune de ces demeures est comme une image contrastée de sa destinée légendaire ; car cette fois, comme souvent, la légende et l’histoire voisinent, se pénètrent, confondent leur mensonge et leur vérité. Prenons-les comme elles se présentent, quitte à conclure prudemment ensuite. Françoise de Foix, fille de Jean de Foix, vicomte de Lautrec, apparentée à la maison de Navarre, monta de son Midi pour être épousée, ses douze ans à peine passés, par Jean de Laval, comte de Châteaubriant, qui s’enferma avec cette femme-enfant dans son château féodal. C’est le premier décor de l’existence de Françoise, et ce qu’il en reste est de farouche apparence : une entrée gardée par deux tours, une enceinte de murailles, quatre tours aux angles, un donjon à l’intérieur, le tout ruiné, écroulé, fendillé, ébréché. La première phase de l’existence de cette épouse, jalousement ravie au monde, se passa dans cette prison massive et hautaine. Puis il y eut un changement de domicile, et tout en restant prisonnière, Françoise de Châteaubriant eut une prison plus fleurie. Jean de Laval fit construire, auprès de sa forteresse féodale, un délicieux logis, commencé en 1524, terminé en 1538. C’est le Château Neuf auprès du Vieux Château, le petit palais orné de la Renaissance, né à l’ombre de la construction militaire du Moyen Âge : la porte entre une tour et une tourelle ; un jardin sur lequel s’ouvrent les fenêtres de deux façades

  1. La première partie de cette relation a paru sous le titre de : La Bretagne du Nord, année 1902, livraisons 19 à 26. Les photographies ont été exécutées par M. Paul Gruyer.