suivre et retrouver un ennemi qui disparaît dans les brumes, qui erre sans cesse, aux heures du matin et du soir, sur ces étendues crevassées, au bord de ces bois où pleure le cri de la chouette ? Il y a encore des lambeaux de phrases qui font allusion à la part prise par les gens de ce pays à la guerre de forêts : « Les gars de Concoret qui tuent les lièvres à travers les chênes. » Et puis, tout à coup, tout change, le décor du travail et de la vie ouvrière surgit à Paimpont et aux Forges de Paimpont qui fonctionnent depuis 1633. Les Forges sont au bord de l’étang, dans la forêt même. On y accède par un chemin en chaussée qui longe la nappe d’eau. Ce pays, en somme, avec ses cours d’eau, ses étangs, conviendrait admirablement à l’industrie. L’eau y donnerait la force motrice, et les maisons ouvrières pourraient s’élever au milieu de l’espace salubre.
À 6 kilomètres, c’est le château de Comper, dressé sur un rocher, non loin de l’étang ; mais le château primitif, celui de la fée Viviane, a eu maints remplaçants : l’un fut démoli sous Henri IV, l’autre incendié sous la Révolution. La chapelle a été mieux respectée : on la voit auprès du château, flanquée de quatre tours reliées par des courtines.
Ici, il me faut prendre un parti pour explorer avec quelque logique le centre de la Bretagne. Il est difficile de réaliser un voyage en zigzags, de courir sans cesse, du nord au sud et du sud au nord. Mieux vaut tracer une ligne enveloppante, un circuit qui cernera la région. Je décide de redescendre sur Ploërmel, d’atteindre les Montagnes-Noires par Josselin, Pontivy, Guéméné, le Faouët et Gourin, de toucher la fin de la Bretagne par la presqu’île de Crozon, et de revenir par les montagnes d’Arrée. Je regagne donc Ploërmel, d’où je repars aussitôt pour Josselin.
Après avoir admiré l’étang du Duc, je descends de voiture en route, à mi-chemin, au hameau de la Pyramide, pour voir l’endroit où s’est passé, le 27 mars 1351, le Combat des Trente. On garde ces étiquettes dans la mémoire, on s’est habitué à les accepter comme significatives d’événements célèbres. Les précis historiques qui ne donnaient pas autrefois l’aperçu des œuvres d’art et de littérature d’un temps, ni le tableau des mœurs, étaient par contre, abondants en anecdotes faciles à retenir, et le Combat des Trente a toujours été du nombre. « Bois ton sang, Beaumanoir », est un vrai cri de mélodrame historique qui a traversé les siècles. L’imagination de l’enfant croit trouver un aspect encore éloquent aux endroits où s’est