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LE CHÂTEAU DE PONTIVY, BÂTI PAR JEAN DE ROHAN, EN 1485.

« Je te défends de sortir nu-pieds.

« Je te défends de passer par les ruelles étroites.

« Je te défends de parler à quelqu’un lorsqu’il sera sous le vent.

« Je te défends d’aller dans aucune église, dans aucun moutier, dans aucune foire, dans aucun marché, dans aucune réunion d’hommes.

« Je te défends de boire et de laver tes mains, soit dans une fontaine, soit dans une rivière.

« Je te défends de manier aucune marchandise avant de l’avoir achetée.

« Je te défends de toucher les enfants. Je te défends de leur rien donner.

« Je te défends enfin d’habiter avec toute autre femme qu’avec la tienne. »

Le prêtre lui donne ensuite son pied à baiser, lui jette une pelletée de terre sur la tête, après avoir fermé la porte, le recommande aux prières des assistants. « Après quoi tout le monde s’est retiré. »

Je ne regrette pas d’être rentré à Loudéac par Moncontour, Plœuc, Plouguernast. À Moncontour — ville de tours, — spécifie le dicton, il y a des jardins entassés sur l’emplacement des anciennes murailles, que réunissaient autrefois dix-sept tourelles crénelées et qui soutinrent plusieurs sièges, du xive au xvie siècle. Le pardon de Moncontour, qui se célèbre à la Pentecôte, dure quatre jours, du samedi au mardi, avec promenade sur les genoux nus, autour de l’église, procession du soir aux torches et aux cierges, enfin, réjouissances, buveries et danses. Le patron est saint Mathurin, dont la vie est retracée en de belles verrières, exécutées d’après les dessins de Cousin, en 1537. Je quitte la ville, accrochée à la colline au-dessus de l’Evron, la petite ville paisible où fut promenée, un jour, au bout d’une pique, la tête du chouan Bras-de-Forge de Boishardy. À Plœuc, il y a un vieux manuscrit dans l’église, un vieux puits sur la place, de vieilles pierres de druides aux environs, et à quelques kilomètres, les vieux arbres de la forêt de Lorges. À Plouguernast, enserré de collines, il n’y a que quelques vitraux à voir à l’église. Je repars vite pour Loudéac et Pontivy, par le chemin de fer.

Lorsque j’arrive à Pontivy, un dimanche de juin, la ville est en pleine Fête-Dieu. Un grand reposoir est édifié à l’extrémité de la rue principale, très large, bordée de maisons basses. Statues de plâtre colorié, bouquets de feuilles d’or et de feuilles d’argent, vases ornés de devises, cœurs flamboyants, cierges allumés, fleurs de jardins, branches de sapin, sont accumulés sur un autel très élevé, en architecture de branchages,