surmonté d’une croix. Le sol est jonché de fleurs, les rez-de-chaussée des maisons sont tendus de draps blancs piqués de bouquets. Au loin, le cortège s’avance, remplit peu à peu la rue. Des femmes et des jeunes filles endimanchées, coiffées de chapeaux fleuris, accompagnées de leurs bonnes en coiffe ; des petites filles en blanc, des toutes petites, grandes comme des poupées, avec d’énormes chapeaux, sous la conduite de religieuses noires ; des fillettes, des jeunes filles de confréries, en blanc, avec le ruban bleu en sautoir ; des paysannes, en robes noires, en bavettes et en tabliers blancs, en coiffes blanches, portant des bannières fleuries et enrubannées, d’autres paysannes en coiffes noires. C’est un défilé de régiments, avec les drapeaux et la musique, mais la marche est lente, prudente, tout le monde semble avancer avec précaution, comme si l’on craignait de réveiller quelqu’un, les voix qui chantent sont graves, assourdies, presque chuchotantes, des voix qui échangent des confidences dans une chambre de malade. Voici l’état-major de cette armée discrète, des enfants de chœur, des chantres, des sous-diacres, des diacres, des chanoines, entourant un dais blanc, garni de panaches blancs, porté par quatre vigoureux paysans en vestes blanches bordées de velours noir. Sous le dais, le prêtre portant l’ostensoir dont l’or flamboie dans l’ombre. Il y a de doux visages de vieillards dans ce groupe des prêtres, il y a aussi des visages noirs, fermés, inquiétants, des yeux au feu vif.
La procession passe. Elle est passée. Les retardataires ont maintenant rejoint le gros de l’armée, et toute la foule est massée autour du reposoir. Je puis parcourir à mon aise la rue élargie, et toutes les rues, où il n’y a plus personne. Auprès de l’église Notre-Dame-de-la-Joie, sur une petite place, un petit monument, étriqué et banal, inauguré il y a quelques années, fixe le souvenir de la Fédération bretonne-angevine. C’est à Pontivy qu’eut lieu, le 15 janvier 1790, la réunion des délégués des jeunes volontaires actifs envoyés par toutes les villes de Bretagne et d’Anjou, sauf Nantes. Ils se réunirent au nombre de cent cinquante, dans une salle du couvent des Récollets, sous la présidence de Moreau, prévôt à l’École de droit à Rennes, rédigèrent des adresses au Roi, à l’Assemblée nationale, à Necker, à La Fayette, puis discutèrent et votèrent un Pacte fédératif, dont il fut donné lecture, le 29 janvier, dans l’église des Récollets, à l’issue de la messe, devant l’autel encadré de drapeaux. Un serment solennel fut proféré : « Nous jurons par l’honneur, sur l’autel de la Patrie,… de rester à jamais unis par les liens de la plus étroite fraternité,… de combattre les ennemis de la Révolution, de maintenir les droits de l’homme et du citoyen, de soutenir la constitution du royaume, et de prendre au premier signal de danger pour cri de ralliement de nos phalanges armées : Vivre libres ou mourir ! » Le pacte de Pontivy fut envoyé à toutes les communes de France par l’Assemblée nationale, et c’est ainsi que la petite ville bretonne donna son modèle à la Fédération du Champ-de-Mars. Un tel événement valait un monument plus altier. La Fédération bretonne-angevine n’a pas eu la chance de susciter, par son acte, une œuvre d’artiste. Seules, les paroles inscrites sur le piédestal ont