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une grandeur. L’Église Notre-Dame-de-la-Joie, bâtie au xve siècle, et restaurée, n’est pas bien extraordinaire, mais elle a tout de même une autre couleur et un autre air que le bibelot disproportionné posé sur la place.

Le monument de Pontivy, c’est le Château. Il est bien ruiné, bien à l’abandon. Deux de ses grosses tours surgissent seules des tertres verts qui l’entourent, la troisième est presque écroulée, la quatrième n’existe plus, et le gardien a étagé un jardin parmi les fortifications détruites. Le lierre et la mousse envahissent les vieilles murailles. La nature reprend lentement, inexorablement, sans un arrêt, les blocs de pierre superposés en 1485. Mais tout cet appareil de force qui s’en va reste beau jusqu’à la fin, puisque sa fin le confond avec ce qui l’environne, la pierre, le végétal et la terre. On entre là comme on veut, car tout le monde est à la procession, on franchit le pont-levis, on pousse une porte, on pénètre dans le vestibule, on pousse une seconde porte, et l’on se trouve dans la cour déserte. Personne chez le gardien. La cour est vaste et jolie, avec ses lucarnes, son blason de Rohan, son escalier à rampe de fer qui ajoute dans un angle l’élégance du xviie siècle à la sévérité du château féodal. Mais tout dit le désordre et l’oubli, d’abord l’envahissement de la nature, la mousse qui verdit les sculptures, l’herbe qui jaillit entre les pavés, puis le mépris de l’homme pour cette vieille carcasse de pierre dans laquelle il a creusé son gîte : il y a des fagots dans un coin, du linge qui sèche sur la belle rampe de fer forgé de l’escalier, et la chapelle située à l’angle opposé et à laquelle on accède par un second escalier extérieur me paraît dans le même état de délabrement que le reste. Au moment où je mets le pied sur la première marche, une face d’homme se montre à une fenêtre, deux yeux clignotants sous un vieux chapeau, une barbe mal rasée, des cheveux longs tombant en mèches sur les épaules. L’homme vient m’ouvrir la porte et apparaît dans le cadre. C’est un vieux paysan, une manière de chouan, semblable très probablement à ceux qui se soulevèrent en mars 1793 contre le décret de la Convention ordonnant la levée de 300 000 hommes, et s’en vinrent assiéger Pontivy, qui les repoussa. C’est d’hier, et le grand’père de ce bonhomme a pu voir ces événements. Celui-ci parle à peu près français, me montre la chapelle encombrée d’un fouillis d’objets et m’apprend que le musée n’existe plus : une partie des objets est là, peut-être, tout ce qui avait une valeur a été transporté à Josselin qui appartient aux Rohan, comme le château de Pontivy. Dans les salles du musée, transformées en atelier, les femmes de Pontivy confectionnent maintenant des sacs de papier. Jean de Rohan ne pouvait pas prévoir, en 1485, qu’il construisait son formidable château fort, avec ses quatre tours, ses mâchicoulis, ses courtines, ses meurtrières et son pont-levis, pour abriter cette innocente industrie.

PONTIVY : LA PLACE ÉGALITÉ AVEC SA MAISON DE 1578 ET SA STATUE DU Dr  GUÉPIN.

Je sors et reste encore quelques instants en promenade autour du château, sur la colline qui domine le Blavet. Entre le château et la rivière, c’est le champ de foire : cinq foires par an, le 8 mai, le 19 juin, le 8 septembre, le 21 octobre, le 21 novembre, et marché tous les lundis. D’un autre côté, je domine la route par laquelle les gens reviennent de la Fête-Dieu, et je vois défiler la collection la plus jolie et la plus