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papas, mamans et demoiselles qui tiennent en conscience leurs rôles si difficiles, si surveillés ! Qui dira les petits drames et les grandes comédies qui se jouent là, au soleil couchant, sur une belle place de province, pendant que les cuivres s’évertuent aux pas redoublés et aux ouvertures d’opéras ?

Mais parlons de Quimper, ancienne capitale du comté de Cornouailles, au confluent du Steir et de l’Odet : le Steir aborde l’Odet, presque de front, en face du Champ de Bataille.

Le premier mot de l’histoire de Quimper dit une révolte de la ville contre le joug romain, vers la fin du ive siècle, alors que saint Corentin avait entrepris de convertir les habitants au christianisme. Grallon fit de Corentin un évêque. Ce fut le commencement de la puissance ecclésiastique en ce pays, le pouvoir des évêques grandit au point qu’au xie siècle ils exerçaient sur la ville une autorité absolue et avaient le titre de seigneurs, sous l’autorité directe du duc, avec un entourage de laïques qui les aidait à gouverner le spirituel comme le temporel. La ville, qui avait été fortifiée au xiiie siècle par Pierre de Dreux, fut prise et pillée en 1344 par Charles de Blois. Montfort l’assiégea à son tour l’année suivante, fut repoussé, mais son fils y fut reçu et reconnu. Lors de la révolte de 1489, les paysans armés culbutèrent les Espagnols venus au secours de Quimper, pillèrent leurs bagages, puis les insurgés furent battus à leur tour par les troupes ducales, dans des champs autour de Pont-l’Abbé, qui reçurent le nom de Prat-ar-mel-gof (pré des mille ventres).

PORTE D’UNE VIEILLE MAISON, À QUIMPER.

Il existe deux dictons menaçants contre Quimper, qui peut continuer, malgré cela, à dormir tranquille, et qui ne s’en fait pas faute après l’heure pacifiante du couvre-feu. L’un dit : « Quimper repose sur trois colonnes de sureau. Quand elles viendront à manquer, la ville sera engloutie par la mer ». Et l’autre

Quand la ville d’Is des flots sortira,
Brest ainsi qu’Ouessant s’abîmera,
Et Quimper submergé sera.

Si des catastrophes menacent Quimper, elles ne seront pas causées par la rupture des colonnes de sureau, ni par la réapparition de la ville d’Is. En attendant, la charmante ville est très claire, très agréable à parcourir, très pittoresque par ses vieux quartiers qui alternent avec les quartiers neufs. Elle était seulement bâtie autrefois sur la rive droite de l’Odet, était plus resserrée autour du Steir, bordé de quais, qui s’en va rejoindre le port, à l’ouest de la ville. Mais la nécessité a fait s’étendre le périmètre sur la rive gauche, où se dessinent quelques autres rues, droites et larges, bordées d’usines, d’ateliers et aussi d’habitations munies de passerelles pour aller d’une rive à l’autre. Sur certains points des quartiers de la rive droite, il y a encore des restes des anciennes fortifications, une tour près du marché aux bestiaux, des pans de murs sur les bords du Steir et dans le voisinage de l’évêché. Puisque je parle de l’évêché, je signale qu’on y a créé, en 1901, un musée d’art religieux, fragments de sculptures, peintures, vitraux, broderies, livres liturgiques. À l’hôtel de ville est une belle bibliothèque contenant environ trente mille volumes, parmi lesquels nombre d’éditions rares : entre autres un dictionnaire breton, que l’on suppose un des premiers en date, imprimé à Tréguier, l’an 1499. Le musée, en dehors des peintures et sculptures, renferme des collections archéologiques et ethnographiques de haut intérêt, dont une partie a été léguée par M. de Silguy. M. Bougeard a aussi fait don à la ville d’une belle collection de gravures. Les édifices anciens sont nombreux : l’hôpital Sainte-Catherine, de 1645 ; le lycée, dans les bâtiments du collège des jésuites, fondé sous Louis XIV ; l’église de Locmaria (faubourg de Quimper) qui date du ixe siècle, dit le Bulletin diocésain, et qui est en effet romane ; l’église de Saint-Mathieu, du xiiie siècle, mais la tour et la flèche récentes ; enfin, la cathédrale ou Saint-Corentin. Cette cathédrale de Quimper est l’une des belles pièces d’architecture de la Bretagne. Si on l’aperçoit de la Grand’Rue, étroite, aux maisons à pignon qui se penchent vers le pavé, elle est haute et char-