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LE RETOUR DE L’EXPÉDITION DE SECOURS QUI SAUVA LE LIEUTENANT EVANS.

que pour un seul repas, et deux jours de vivres. Nous aurions pu échapper, si une épouvantable tempête ne nous avait retenus quatre jours. Je crois tout espoir perdu. Sous avons résolu de ne pas mettre fin à notre vie, mais de lutter jusqu’au bout pour atteindre ce dépôt, et cette lutte nous procure une fin paisible.

« Essayez d’intéresser mon fils à l’histoire naturelle, cela vaut mieux que les jeux que l’on encourage dans certains collèges. Je sais d’ailleurs que vous le serez vivre au plein air. Par-dessus tout, il faut qu’il se garde et que vous-même le gardiez de l’inaction. Faites-en un homme énergique. Il m’a fallu faire effort, vous le savez, pour le devenir moi-même : j’ai toujours eu un penchant pour la paresse.

« La pochette de mon sac renferme un morceau de l’Union Jack que j’ai planté au Pôle Sud, le pavillon noir d’Amundsen et quelques menus objets. Remettez un petit morceau de l’Union Jack au roi et un autre à la reine Alexandra.

« Que de choses je pourrais vous conter sur l’expédition ! Combien une telle entreprise a été préférable à la vie facile dans le trop grand confort du home ! Que de récits vous auriez pour l’enfant ! Mais de quel prix tout cela est payé !


Voici enfin, et pour conclure, son noble message au public :


Les causes du désastre ne sont pas dues à une organisation défectueuse de l’expédition, mais à la mal chance dans tous les risques que nous avions à courir.

1o La perte des poneys survenue en mars 1911 m’obligea à partir plus tard que je ne l’avais décidé primitivement et me contraignit à emporter une quantité de vivres moindre que celle prévue tout d’abord.

2o Le mauvais temps à l’aller, notamment la longue tourmente que nous subîmes sous le 83° de latitude, retarda notre marche.

3o La neige molle, dans les régions inférieures du glacier Beardmore ralentit encore nos progrès.

Avec énergie nous avons lutté contre ces circonstances imprévues et nous en avons triomphé, mais au prix de prélèvements sur nos vivres de réserve. Approvisionnements, vestiaire et organisation de la file de dépôts établis sur le plateau, comme sur toute la route du Pôle, longue de 1 300 kilomètres, tout nous a donné pleine satisfaction en tous points.

Notre groupe aurait regagné le glacier Beardmore en bon état et avec une réserve de vivres, sans la défaillance surprenante d’Evans, celui d’entre nous que nous croyions le plus résistant. Par beau temps le glacier Beardmore n’est pas difficile, mais à notre retour nous n’eûmes pas une seule journée vraiment bonne et la maladie de notre compagnon aggrava singulièrement la situation.

Comme je l’ai dit plus haut, nous nous engageâmes dans une région du glacier extrêmement accidentée,