SUR LES ROUTES DE PROVENCE[1]
V. — DES BAUX À MARSEILLE PAR L’ÉTANG DE BERRE
n quittant Salon, nous remontons, le long du canal de Craponne,
jusqu’à Lamanou dont les frais ombrages et les prairies fertiles
s’étalent en avant des derniers contreforts des Alpines. Une route accidentée,
traversant Eyguières, point de départ de l’ascension de l’Aupiho
sommet le plus élevé du massif, Mouriès et Maussane, nous amène
au pied de la colline des Baux, dont la silhouette déchiquetée se
détache sous les rayons obliques du soleil couchant. La montée est
rude, les lacets se succèdent au milieu des maquis et des champs de
pierres. Des automobiles descendant à vive allure vers la vallée nous
croisent en trombe, tandis que nous cheminons à pied, la main au
guidon. Des pâtres enveloppés de longs manteaux bruns, le large
feutre noir rabattu sur les yeux, ramènent les troupeaux de moutons
vers les bergeries voisines. À l’entrée du Vallon de la Fontaine, nous
admirons le Dôme de la Reine Jeanne, pavillon à double voûte, délicatement
sculpté, vrai bijou d’architecture Renaissance. Puis, par le sentier
pavé, tortueux, malaisé de la Calade, nous arrivons à la vieille
porte Eyguières, ancienne entrée de la ville, et la nuit est déjà tombée
lorsque l’hôtel de la Reine Jeanne nous ouvre ses portes hospitalières.
Nous avons l’agréable surprise d’y trouver un félibre distingué, provençal
érudit, passionné des Baux dont il connaît les moindres détails
et qui sera pour nous le guide rêvé.
Cette bonne fortune nous vaut une soirée charmante. Après un savoureux dîner, violemment parfumé
- ↑ Suite. Voyez page 253, 265, 277 et 289.