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porte sur son dos deux récipients faits de peaux de buffle, en forme de cône allongé et se terminant par deux espèces de tubes ayant chacun quelque analogie avec la trompe d’un éléphant. Ces cônes sont remplis d’eau et les deux trompes se relèvent sur le dos du cheval. Quand l’animal est arrivé devant la maison de la pratique, son conducteur introduit l’extrémité de la trompe dans le vase qu’il veut remplir, et l’eau passe ainsi du dos du cheval chez le client.

Il y a moins de fatigue à voiturer l’eau de cette manière qu’a la porter avec des seaux, et le Géorgien cherche avant tout à ne pas se fatiguer. Mais toute la peine qu’il s’épargne retombe sur le malheureux cheval. Quand la pauvre bête a fait ce métier pendant quelque temps, sous l’action de l’eau qui s’échappe de l’appareil incessamment remué et le plus souvent en mauvais état, sa peau perd peu à peu tout son poil. Rien de plus pitoyable que l’aspect de ces animaux.

Les boutiques de marchands de fruits méritent une mention particulière. Elles offrent un coup d’œil des plus agréables. Au lieu d’être entassés au hasard, les fruits sont disposés en guirlandes mêlées de feuillages, ce qui, sous les étoffes ou bannes qui mettent la rue presque complétement dans l’ombre, produit un charmant effet.

Aoul lesghien de Bégitte (voy. p. 314 et 315). — Dessin de Doré d’après Moynet.

Nous arrivons au caravansérail, grand bâtiment destiné à abriter les nombreuses caravanes qui arrivent à Tiflis.

Ici nous avons sous les yeux les marchands proprement dits et un commerce bien autrement important que celui des modestes fabricants des rues. Ces marchands sont, pour la plupart, Arméniens. Tous les produits sortent des manufactures, et les boutiques où on les voit réunis ne sont plus que des magasins de vente. Malgré leur médiocre apparence, les affaires s’y font en grand, et il est telle de ces petites boutiques, parmi les plus étroites, les plus obscures, qui renferment des sommes considérables en marchandises. C’est là que tous les produits de l’Orient se donnent rendez-vous ; vous êtes à même, en les passant en revue, d’étudier l’industrie des peuples de l’Asie, et de savoir réellement si nous, Occidentaux, nous pouvons nous flatter justement d’être en progrès sur tous les points.

Moynet.
(La suite à la prochaine livraison.)