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le buisson de la Californie (strauch) d’un si beau vert et qui couvre des espaces entiers, ainsi que le magnifique pin (abies Douglasii) avec ses branches pendantes et ses aiguilles d’une teinte sombre. Après le passage de la rivière de San Bernardino, qui se jette dans le Pacifique, des pluies torrentielles commencèrent à tomber. Le ciel était triste, la cime des montagnes était enveloppée d’une atmosphère brumeuse ; les vêtements mouillés collaient sur le corps des voyageurs, mais qu’importe ? n’étaient ils pas sur la lisière des plaines de la côte californienne ? « Je ne puis décrire l’impression que produisirent sur moi ces prairies du vert le plus tendre, parsemées de collines aussi verdoyantes, de groupes d’arbres et de ranchos ou métairies… La vie éclatait dans chaque germe, dans chaque bourgeon. La pluie était une pluie féconde ! » Ceux avaient si longtemps vécu dans le désert, devaient trouver un grand charme à ce réveil de la nature printanière.

Pueblo de los Angeles. — Dessin de M. de Bérard d’après les Reports of explorations, etc.

Mais le paysage n’attirait pas seul l’attention des voyageurs, heureux de rentrer dans le monde civilisé, de voir les travaux des hommes. Çà et là, des fermes, des vignobles dont les propriétaires habitent souvent fort loin, laissant la garde de leurs propriétés à de misérables Indiens, nommés kawias, espèce de serfs qui, moyennant une maigre nourriture, s’engagent à faire tous les travaux nécessaires ; d’immenses troupeaux dans les plaines, et quelques cavaliers qu’on regardait avec autant de curiosité que les superbes chevaux sur lesquels ils étaient montés. Ce fut à travers ces campagnes que l’expédition parvint enfin à Pueblo de los Angeles, terme de son voyage ; on la salua par d’énergiques hourras : depuis onze mois, on était en route ! La petite ville de Los Angeles compte deux ou trois mille habitants, selon qu’une plus ou moins grande partie de la population émigre pour les placers de la Californie ou en revient. Mais ce n’était ni la ville, ni sa population qui intéressait les voyageurs ; ils attendaient impatiemment l’arrivée à San Pedro d’un bateau à vapeur qui devait les mener à San Francisco, et, de là, ils comptaient retourner à Washington. Le 24 mars, le vapeur Frémont (nommé d’après le célèbre explorateur) chauffait dans le port de San Pedro (33° 43’ lat. nord et 118° 16’ long. ouest de Greenwich), et l’on partait joyeusement ! On avait parcouru pendant tout le voyage une distance de 1360 milles en ligne directe.

Guill. Depping.