du repentir, l’autre Bab el Rahmi, la porte de la miséricorde ; belle alliance dont le sens mystique offre un sublime enseignement. Ces deux portes, dignes entrées d’un lieu de prière sont formées de pierres gigantesques taillées avec le plus grand soin ; l’énorme dimension des blocs nous ramène à l’époque qui vit construire le souterrain d’El Aqsa ; nous sommes en face d’un monument hérodien. Non loin de là, se trouve le prétendu trône de Souleyman, mais il est si soigneusement gardé que les musulmans eux-mêmes ne peuvent voir que la fenêtre qui lui donne de l’air ; aussi par dédommagement attribuent ils à l’inconnu des vertus particulières, et viennent-ils pour obtenir sa protection salutaire, soit en cas de maladie, soit pour la solution d’un procès, ou l’heureuse issue de leurs désirs, attacher aux barreaux de la croisée un morceau de leur vêtement… »
VII
Les murailles de la ville coupent le mont Bézétha par le milieu et laissent une de ses parties en dehors de l’enceinte : je vais d’abord visiter celle qui est à l’intérieur. Ma tâche sera facile, car il ne reste plus debout que les ruines de l’église de Saint-Jean l’Évangéliste, dont la construction remonte encore à l’époque des croisades. Des derviches tourneurs l’habitent aujourd’hui. Leur cheik me reçut avec beaucoup d’affabilité et me permit même d’assister à une de leurs cérémonies. Les derviches tourneurs ou mewlewy portent le même costume que les autres musulmans ; ils couvrent seulement leur tête d’un bonnet de feutre gris sans couture, dont ils serrent le bas avec une bande de calicot vert. Leur caractère est doux et obligeant, leur danse sans contorsion ni souffrance apparente. Un joueur de flûte et un joueur de tambourin se placent dans un coin de l’oratoire, les invités se tiennent au milieu ; à un signal, les derviches étendent les bras en croix, ferment les yeux et se mettent à tourner sur le talon droit, changeant de place peu à peu, de façon à opérer une révolution complète autour de la chambre. De temps en temps, le mouvement s’arrête pendant que le supérieur récite une oraison. Cette danse, appelée semaa, symbolise les planètes qui, tout en continuant leur rotation, poursuivent leur course selon leur orbite. Elle dure des heures entières sans que les adeptes semblent fatigués. On trouve aussi à Jérusalem des derviches hurleurs ; les cris affreux dont ils accompagnent leurs danses agissent sans doute sur le cerveau, car le délire les prend dès les premiers tours, et, la bouche écumante, les yeux égarés, ils finissent par tomber en râlant…
La porte de Damas s’ouvre sur la campagne ; elle est digne d’attention ; de légers moucharabiehs habilement disposés lui donnent un caractère particulier qui s’harmonise fort bien avec le paysage oriental (voy. p. 400).
Sur le versant nord de Bézétha, s’ouvre la grotte dite de Jérémie ; je n’y ai vu qu’une simple carrière rendue intéressante aux yeux des musulmans par le tombeau d’un de leurs saints. La partie supérieure de la montagne, couverte de tombes, est un lieu de rendez-vous pour les femmes de Jérusalem ; car en Orient les cimetières sont consacrés à la promenade, et le jeudi, les filles de l’islam y viennent prendre leurs ébats.
VIII
La température de Jérusalem est très-variable selon les saisons ; l’hiver, elle atteint quelquefois la ligne glace, tandis que l’été le baromètre monte jusqu’à 35° centigrades à l’ombre. Les mois les plus pénibles à passer sont mai, juin et juillet ; en août, une brise fraîche s’élève vers le midi et aide à la respiration.
Voulant parcourir les environs immédiats de la ville sainte, je choisis un jour où le ciel était chargé de nuages, et je sortis par la porte de Jaffa ; je gagnai la vallée de Réphaïm ; à son extrémité, une magnifique piscine semble se draper dans ses mines majestueuses et défier l’indifférence des gouvernants ; on l’appelle Piscine du Roi (Birket es Sultan).
En inclinant vers le sud, j’entrai dans la vallée de beni Hinnom, continuation de la précédente. Cette vallée est fréquemment citée dans la Bible sous les noms de Ennom, Ben Ennom ou Tophet ; c’était là qu’on faisait les sacrifices à Moloch. Le mont du Mauvais-Conseil domine sa rive méridionale ; à mi-côte, j’y vis les ruines d’une ancienne église datant des croisades. Un peu plus bas, le champ du sang, dernière propriété immobilière du traître Judas, et le tombeau de saint Onuphre d’après la version chrétienne, du grand prêtre Ananias d’après les juifs, terminent l’énumération des localités remarquables de cette vallée.
Comme nous le savons déjà, la vallée de Josaphat borne la ville à l’orient, où les chrétiens comme les musulmans placent le futur rendez-vous général de l’humanité. Pour ces assises universelles, la salle d’audience est bien petite, dût-elle se prolonger tout le long du lit du Cédron.
Une petite bâtisse oblongue à ma droite est le puits de Job des musulmans (bir Ayoub), le puits de Néhémi des chrétiens ; d’après ces derniers, le feu sacré y aurait été déposé lorsque les juifs captifs furent emmenés à Babylone. La source d’eau déborde au commencement du printemps et inonde les champs voisins à la grande satisfaction des habitants qui profitent de ce prétexte pour suspendre leurs travaux et se livrer au plaisir. Je traverse des jardins bien cultivés, les seuls des environs, et m’arrêtant sous l’arbre qui, d’après la tradition, sert de sépulture au prophète Isaïe, j’examine à loisir la singu-