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La place de la Constitution, à Chihuahua.


VOYAGE DANS L’ÉTAT DE CHIHUAHUA[1]


(MEXIQUE)


PAR M. RONDÉ.



1849-1852. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Une troupe d’aventuriers. — Départ de Chihuahua. — Campement à Nombre de Dios. — Un duel équivoque.


Pendant notre absence, une bande d’à peu près vingt-cinq individus était arrivée à Chihuahua. C’étaient de ces hommes pour lesquels la vie ordinaire n’a plus de charme ; il leur faut des émotions comme les déserts du Mexique seuls peuvent en offrir, et, fatigués de poursuivre et de tuer les animaux sauvages, leur plus grand bonheur est de chasser l’homme comme une bête fauve.

C’est de l’Amérique du Nord que viennent ces bandes d’aventuriers qui, aux États-Unis, sont hors la loi.

Les gouvernements des États du nord du Mexique, tels que Durango, Chihuahua et la Sonora, après avoir cherché par toute espèce de moyens à pacifier les Apaches, se sont trouvés dans la nécessité d’user de représailles contre ces Indios barbaros, en mettant leurs chevelures au prix de cent piastres chacune.

L’appât du gain attire ainsi des blancs aussi redoutables que les Indiens eux-mêmes. Ces aventuriers s’attaquent souvent aux Indiens paisibles (Indios manzos), les massacrent, et prennent leurs chevelures qu’ils présentent au gouvernement comme venant des sauvages.

S’ils n’attaquent pas toujours les populations inoffensives, ils les rançonnent tout au moins, sous prétexte qu’ils font la guerre pour le compte du gouvernement.

La bande qui séjournait alors dans la capitale du Chihuahua venait du Paso del Norte ; elle avait attaqué en route, disait-elle, une rancheria apache, tué sept hommes et fait prisonniers quatre enfants : elle venait près du gouvernement toucher le prix de sa chasse.

Je ne divulguerai pas le nom du chef de cette bande. Quoique né aux États-Unis, il était d’origine française, s’en glorifiait lui-même et le nom qu’il portait en faisait foi : ses compagnons étaient presque tous Irlandais.

Le temps était venu de songer à notre départ. Le gouverneur don Angel Trias, aurait voulu nous attacher à son pays. De longs entretiens avec lui nous ont convaincus qu’il serait heureux en effet de donner une impulsion de progrès au Chihuahua, et qu’il ne repousserait pas la pensée d’une immigration européenne pour coloniser ces immenses territoires incultes.

Un capitaine de l’armée américaine, accompagné de plusieurs officiers, était arrivé du Missouri : il voulait se rendre en Californie. Nous nous concertâmes avec lui

  1. Suite et fin. — Voy. page 129.