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pensais que c’était la fin de la cérémonie, mais grande fut ma surprise quand je vis la bonne Indienne se tourner vers le côté opposé de la chambre ; ce mur était décoré d’un autre petit autel, consacré, non plus à la Vierge ni à Napoléon, mais à une idole indienne, entourée également de petits fragments de porcelaines et d’ornements bizarres. L’Indienne y fit une courte prière, encensa son idole, et, après cette cérémonie, m’invita à m’asseoir sur ses peaux de bœuf. Elle plaça devant moi une tortilla avec un plat de chile et un verre d’eau pure et limpide comme le cristal. Ce maigre repas m’était offert avec tant de bonté et de générosité que j’en fus vivement touché ; je voulus faire un cadeau à cette excellente femme, mais je ne pus jamais la décider à accepter la moindre chose. C’était elle, au contraire, qui me remerciait d’avoir bien voulu accepter son hospitalité. Elle paraissait joyeuse d’avoir partagé avec un voyageur fatigué sa nourriture quotidienne ; quand je la quittai, elle embrassa mes mains.

Dans cette partie de l’État, toutes les populations ont une tour d’observation. Les veilleurs reconnaissent à l’œil nu et à une distance de six à sept lieues l’approche des Indiens barbares. Dès qu’ils les aperçoivent, ils donnent l’alarme à l’aide d’une cloche ; les habitants rentrent leurs troupeaux et se barricadent dans leurs maisons.

Chariots de Chihuahua.

Il fallut quitter Carmen de bon matin : nous avions en perspective une longue marche à faire avant d’atteindre une source.

La nuit suivante, vers onze heures, le chef des chasseurs de chevelures que j’avais vu à Chihuahua arriva au camp. Il venait de faire une expédition avec sa bande contre une faible tribu d’Apaches ; mais les Apaches, plus lestes et plus vigilants que lui et les siens, s’étaient retirés, ne laissant derrière eux qu’une vieille femme qu’ils n’avaient pas eu le temps de cacher. Les terribles bandits, avides de toucher le prix d’une chevelure, n’avaient pas hésité à tuer cette pauvre vieille femme, l’avaient scalpée, et leur chef nous montrait avec impudence ce honteux trophée encore tout sanglant.

Le lendemain nous arrivâmes à Galeana, chef-lieu d’un canton riche en eaux thermales.

Sur ces hauts plateaux des gisements de charbon de terre restent inexploités. On y trouve aussi des métaux précieux. La sierra del Carcay notamment renferme en abondance de l’étain. Dans une circonférence assez considérable, on rencontre des masses dont les spécimens, plus gros qu’une orange, ont la forme d’un caillou roulé par les eaux.

La ville possède une église, toujours sans curé. Ici, comme à Carmen, les habitants ne savent plus faire de distinction entre Jésus-Christ et Izliputzli.

En quittant le plateau de Galeana, nous aperçûmes de-