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Le Port-Louis, vu du large.


SÉJOUR À L’ÎLE DE MAURICE

(ÎLE DE FRANCE)


PAR M. ALFRED ERNY.
1860-1861. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[1].


I

Port-Louis. — Aspect général. — Types étrangers. — Les créoles. — Le bazar. — Les docks. — Les cimetières. — Le général de Malartic. — Les courses de chevaux et la saison des bals. — Détails de mœurs.

Il y a dix ans à peine, il fallait, pour aller de France à Maurice, naviguer pendant près de trois mois sur un bâtiment à voiles qui relâchait à Sainte-Hélène et au cap de Bonne-Espérance. Aujourd’hui, on s’embarque à Marseille sur un bateau à vapeur de la Compagnie péninsulaire et orientale : six à sept jours après on arrive en Égypte ; on traverse en chemin de fer les plaines qui séparent Alexandrie du Caire ; à Suez, on monte à bord d’un autre steamer qui fait le trajet de la mer Rouge jusqu’à la ville d’Aden, station maritime dont les Anglais ont déjà su faire un nouveau Gibraltar : bientôt les Seychelles apparaissent comme une corbeille de verdure, et vers le troisième ou le quatrième jour on est en vue de Maurice.

Quelques traits se dessinent d’abord à l’horizon : l’île Ronde, le Coin de Mire, puis çà et là diverses parties de la côte.

On découvre alors, à droite, la montagne des Signaux et les plaines Saint-Pierre ; à gauche, les Pamplemousses et la baie du Tombeau ; devant soi enfin, la chaîne des montagnes qui entourent le Port-Louis comme d’une muraille naturelle. Le steamer mouille entre le fort Blanc et le fort de l’île aux Tonneliers, qui défendent des deux côtés l’entrée du port, protégé en outre par une citadelle bâtie sur une colline qu’on appelle la Petite-Montagne, et qui domine la ville et la rade.

Aussitô l’ancrejetée et la visite sanitaire terminée, une foule de canots entourent le navire ; le pont est subitement envahi par une centaine de personnes, venues les unes par curiosité, pour connaître les nouvelles ou pour embrasser un parent ou un ami, les autres (Indiens ou noirs) pour transporter à terre les bagages. On se pousse, on s’embrasse, on se parle avec volubilité. Une confusion bruyante règne sur le pont, et près d’une heure s’écoule avant que l’on puisse quitter le navire. Pendant ce temps on a le loisir de regarder tout à son aise devant soi, dans une vallée encadrée par le Pouce, Pieter-Boot et la montagne des Signaux, la ville du Port-Louis s’étageant en amphithéâtre sur un espace de trois quarts de lieue, tout émaillé de jolies maisons entourées de cocotiers et de bananiers, et d’élégantes villas au milieu de tapis d’une verdure dont la nuance ne ressemble point à celle d’Europe.

  1. Toutes les planches de cette livraison ont été dessinées par M. Karl Girardet d’après les croquis et les aquarelles de M. A. Erny.