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par son disciple, Quientipucarihua se contenta de répondre par un sourire discret, un hochement de tête et le mot Tchonta-quiro (Chontaquiro) prononcé à la manière des gens de sa nation. Pour le vulgaire, cette réponse était à peu près inintelligible ; mais pour un partisan de Lavater, pour un adepte de la science physiognomonique, le sourire et le hochement de tête du sauvage et sa façon de scander ces quatre syllabes, pouvaient se traduire par la phrase suivante : Les Chontaquiros sont de franches canailles, peut-être pire ; et si je n’en dis pas plus long sur leur compte, c’est pour ne pas me brouiller avec eux.

Nous dûmes nous contenter de ces vagues explications. Pendant la journée du lendemain que nous passâmes tout entière dans l’ajoupa de Bitiricaya en compagnie des Chontaquiros dont les femmes étaient allées chercher des provisions pour le voyage, nous mîmes un peu d’ordre dans nos papiers et consacrâmes quelques lignes à ces braves Antis qui pendant seize jours avaient partagé nos fatigues, nos dangers, notre misère et plus d’une fois nous avaient empêchés de mourir de faim. Sur ces lignes au crayon, à demi effacées par les averses et les naufrages, nous n’avons aujourd’hui qu’à repasser un trait de plume pour les rendre lisibles et les présenter au lecteur.

Ajoupa d’Antis, à Bitiricaya.

La parenté de l’Antis des vallées orientales avec le Quechua de la Sierra-Nevada, parenté que la ressemblance du type et du costume[1], les radicales et les terminaisons d’un grand nombre de vocables communs aux deux idiomes, dénoncent à l’observateur le moins attentif, cette parenté n’a encore exercé que nous sachions, la sagacité d’aucun voyageur ou l’érudition d’aucun ethnologue. Il est vrai que jusqu’à ce jour, ces messieurs ont eu tant à faire, que le temps leur a littéralement manqué pour s’occuper de ces questions. Nous allons donc nous en occuper à leur place, et, comme entrée en matière, nous ferons des Antis une fraction minime de ces hordes indo-mexicaines[2] dont nous avons parlé dans

  1. Nous parlons ici des Quechuas d’avant la conquête, qui portaient le sac-tunique des Mexicains et des Incas, et non des Quechuas de nos jours, dont l’habit à trois pans, les culottes courtes à larges canons, rappellent vaguement les modes espagnoles du dix-septième siècle.
  2. La prétendue variété de types que paraît offrir la grande famille indo-mexicaine peut être hardiment ramenée, comme nous l’avons dit ailleurs, à deux types fixes et primordiaux, le type irano-arien, dans lequel nous avons fixé l’élément civilisateur, et le type mongole ou tatar, que nous avons considéré comme l’élément colonisateur. Les prétendues races Caraïbe, Tupi, Guarani, etc., ne sont à notre avis que des genres dérivés des deux familles mères. Parmi les nations du Pérou, le premier de ces types est propre seulement aux Collahuas, aïeux des Aymaras, aux Quechuas, aux Antis, aux Chontaquiros et à deux ou trois tribus disséminées dans les Yungas ou vallées de la Bolivie. Si ce type, peu commun dans l’Amérique du Sud, caractérise au contraire la presque totalité des Indiens de l’Amérique du Nord, c’est que ces derniers, placés dans des conditions climatologiques à peu près