Page:Le Tour du monde - 12.djvu/324

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un mouchoir ou une coiffe qui leur entoure la tête, les oreilles et le cou. Un tablier et un casaquin de bure de couleur rouge, un jupon court de même étoffe complètent ce que leur costume présente de singulier.

Des gens qui veulent trouver une raison à tout ont essayé d’expliquer l’usage du chapeau chez les Galloises par l’humidité d’un climat presque toujours pluvieux ; mais il y a de par le monde des climats aussi humides, aussi pluvieux que celui du pays de Galles, et je ne sache pas que les femmes s’y coiffent de la sorte. Comme le feutre n’est pas connu de tout temps, quoi qu’en dise Aristote en son fameux chapitre des chapeaux, on ne peut non plus faire remonter jusqu’aux Celtes, jusqu’aux anciens Gallois l’usage de cette coiffure. Il ne faut donc voir là qu’un caprice de la mode auquel les femmes de la campagne, comme d’habitude, sont restées le plus longtemps fidèles, et qui passera peut-être comme il est venu, c’est-à-dire sans rime ni raison.

La population de Swansea est d’environ quarante mille habitants. Autrefois c’était une simple station de bains (watering place), où pendant la belle saison Anglais et Anglaises venaient se livrer à ce passe-temps qui leur est si cher, celui de prendre des bains de mer. Aujourd’hui les baigneurs fashionables ont presque disparu, et la ville, grâce aux mines de charbon qui l’entourent et à ses nombreuses et vastes usines à cuivre, est devenue l’une des cités les plus industrielles de l’Angleterre, et par suite du monde. Il y a un siècle, quand les premiers wagons descendus des houillères roulèrent jusque sur les quais de Swansea pour y verser le charbon, le peuple faillit s’ameuter contre les propriétaires de mines, prétendant que le passage rapide des wagons sur les rails, la trépidation qu’ils imprimaient au sol faisait tourner la bière dans les caves. Peu s’en fallût qu’on ne revînt à l’antique portage à dos d’hommes ou tout au moins à dos de chevaux. Aujourd’hui les


L’embouchure de l’Avon. — Dessin de Durand-Brager.


craintes des buveurs de pale ale ont bien disparu, et la susceptibilité a fait place à l’intérêt ; car tout le monde trouve son compte à l’exploitation et au commerce des charbons. D’énormes wagons, descendant des noires houillères, portent leurs produits jusque dans les soutes des bâtiments, et de Swansea comme de Cardiff les charbons s’exportent pour le monde entier. Les poussières, les menus débris du combustible sont eux-mêmes utilisés ; et, mêlés à du brai ou goudron solide, comprimés dans des moules en forme de briques, ils sont chargés sur les navires, et vont, sous le nom de patent fuel, ou charbon breveté, jusque dans l’Amérique du Sud fournir aux bateaux à vapeur l’aliment indispensable à leur marche.

En retour de ses charbons, Swansea importe du cuivre à l’état de minerais plus ou moins riches, de mattes[1] plus ou moins pures. Ces minerais, ces mattes sont traités dans les usines dont je parlerai bientôt. Ainsi sont mises à contribution, comme je l’ai dit, non-seulement les mines indigènes des comtés de Cornouailles et de Devon, mais encore les mines de l’île de Cuba, celles du Chili et de la Bolivie, les mines de l’Australie, celles de l’Afrique, de l’Algérie au cap de Bonne-Espérance, enfin celles de tout le bassin méditerranéen, surtout de l’Espagne et de l’Italie. L’avantage que procure aux fondeurs de Swansea cette immense importation, c’est de pouvoir mêler des qualités diverses, variables de teneur et de composition, ce qui aide singulièrement à la marche du traitement métallurgique. L’avantage pour les mines productrices, c’est de tirer le meilleur parti possible de leurs minerais dans un pays où souvent le combustible n’existe pas, du moins le combustible minéral, et c’est le seul qui soit aujourd’hui à bon marché. Par la méthode en usage à Swansea,

  1. On donne en métallurgie le nom de matte à tout minerai qui a déjà subi une première fusion.