vaste champ de débris roulés, auquel des touffes de myrtes, des lauriers-roses et d’autres arbustes croissant çà et là parmi les cailloux, ont valu le nom gracieux de Rosa-Marina. À trois kilomètres plus loin, on traverse un autre ouady, dont la vallée pierreuse contraste singulièrement avec des pentes couvertes d’une végétation des plus touffues, puis on commence à gravir la longue rampe du cap d’Orlando. Au-dessus de la route, les escarpements portent sur chacune de leurs terrasses des maisons entourées d’arbres ; en bas s’étend parallèlement au rivage une plaine admirablement cultivée où se montrent, comme dans les pays du Nord, de beaux massifs de peupliers et de trembles. Au loin, dans la mer, s’avance un grand rocher couronné de ruines d’un château et d’une église moderne d’où l’on peut voir, par un beau jour, un immense horizon, de Palerme jusqu’aux Apennins de la Calabre.
À chaque contour du littoral le paysage offre un trait
nouveau. Voici la vieille cité de Naso qui se dresse au
sommet, d’une montagne ; voici le village de Brolo, avec
son château ruiné ; plus loin se montre un promontoire
de marbre blanc portant une tour de défense ; puis on
arrive à la base des rochers de granit rouge du cap
Celavà, que la route traverse, en tunnel. De tous ces sites
enchanteurs, l’un des plus beaux est celui qu’occupait
la ville grecque de Tyndare. Le plateau de granit qui
portait cette ancienne colonie des Messéniens s’élève à
la hauteur de plus de deux cents mètres au-dessus de
la mer, et se termine par d’abruptes falaises plongeant
dans les vagues. De même qu’en d’autres villes antiques
Pont de San Leonardo. — Dessin de H. Clerget d’après un croquis de M. E. Reclus.
de la Sicile, Termini, Taormine, Syracuse, le théâtre,
qui semble de construction romaine et qui remplaça
sans doute un édifice plus ancien, était bâti sur la partie
de la déclivité d’où l’on jouit de la vue la plus grandiose.
De chaque côté se recourbe un golfe semi-circulaire
qu’entourent de longues pentes revêtues d’oliviers.
À gauche, les masses rougeâtres du cap Celavà limitent
l’horizon, à droite se projette au loin dans la mer l’étroite
langue de terre de Milazzo. En face les cônes
brûlés de Volcano, très-rapprochés en apparence, jaillissent
de la nappe bleue de la Méditerranée, et plus
loin se succèdent sur le demi-cercle de l’horizon les
pyramides vaporeuses des autres îles Éoliennes jusqu’à
Stromholi. À l’est on voit se dessiner la ligne bleuâtre
des Apennins d’Italie, tandis qu’au sud se dresse la
chaîne des Monts Neptuniens, et que la cime neigeuse
de l’Etna regarde par-dessus cette première rangée de
montagnes crénelée de villes et de villages.
La cité de Tyndare n’existe plus ; mais le district environnant est toujours l’un des plus fertiles, des mieux cultivés et des plus riches en population de toute la Sicile. Sans compter des bourgs nombreux, trois villes importantes, Patti, Barcelonna, Milazzo sont groupées dans un espace de moins de trente kilomètres, et l’étroite lisière du littoral fournit en abondance le froment, les olives, les oranges et les autres produits du sol nécessaires à la subsistance des habitants. De ces trois villes, la plus populeuse est Barcelonna, mais la plus connue est Milazzo, l’ancienne colonie grecque de Mylæ.
(La suite à la prochaine livraison.)