Page:Le Tour du monde - 14.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
IDIOME YAHUA.
oiseau, huicha. arriver, sitamana.
papillon, euyuta. sortir, saïmana.
mouche, nashi. dormir, rimaheni.
moustique, ninoh. réveiller, seynasema.
blanc, papasé. manger, ejemi.
noir, mihanecat. un, tckini.
rouge, tuineh. deux, nanojuï.
vert, ancachi. trois, munua.
bleu, » quatre, naïrojuïño.
voleur, saperanu. cinq, tenaja.
voler, saperanuma. six, teki-natea.
ouvrir, yamutatara. sept, nanojuï-natea.
attacher, nampichina. huit, munua-natea.
rôtir, agatara. neuf, naïrojuïño-natea.
courir, yansuima. dix, huijejuiño.

J’essayai d’obtenir des Yahuas quelques renseignements sur leurs croyances religieuses, mais les explications qu’ils me donnèrent à cet égard, me laissèrent dans une étrange perplexité. Ils faisaient de leur système théogonique et du catholicisme des Missionnaires un amalgame déplorable ; ils appelaient la Vierge Marie Amamaria, voyaient en elle la mère féconde de tous les astres et la sœur jumelle de Jésus-Christ qu’ils nommaient Imaycama. Dans leurs idées, Satan n’était que le très-humble serviteur de l’esprit du mal Bayenté. Je renonçai à tirer quelques lueurs de ces ténèbres.

Le chiffre de leur tribu, en joignant aux trente-neuf individus des deux sexes établis à Santa-Maria, quelques familles yahuas qui vivent sur les bords de la rivière Noire et de ses affluents, me parut être de cent personnes.

En échange des couteaux que leur donna le missionnaire, j’obtins un costume de danseur du Bayenté qui n’avait servi qu’une seule fois ; deux flûtes, des ceintures d’écorce et des cravates en folioles de miriti. Quant aux magnifiques torses des indigènes que j’aurais voulu pouvoir emporter pour en gratifier un de nos musées, je ne pus, quelque prix que j’en offrisse à leurs propriétaires, les décider à m’en abandonner quelques-uns ; au lieu des originaux sur lesquels je comptais, je n’eus que des copies.

Village de Moromoroté (rive droite de l’Amazone).

Rien ne nous retenait à Santa-Maria et les cinq jours que nous venions d’y passer expiraient à peine, que le révérend donnait à ses hommes le signal du départ. Comme la pirogue nous déposait sur la rive droite du Rio de los Yahuas, je me sentis pris tout à coup du désir de descendre ce cours d’eau jusqu’à son confluent avec l’Iça ou Putumayo et de rentrer à Pevas par l’Amazone. Le P. Rosas, à qui je fis part de ce projet, me poussa d’une main par les épaules et de l’autre me montra la forêt que nous avions franchie précédemment ; je le suivis à contre-cœur.

L’excursion, que j’aurais voulu entreprendre, exigeait à peine vingt jours ; après dix lieues faites avec le courant du Rio de los Yahuas, je débouchais dans la rivière Iça, trente-cinq lieues de descente avec elle me conduisaient dans l’Amazone, et cinquante lieues faites à contre-courant sur le fleuve me ramenaient à Pevas. Une promenade courte et charmante ! C’eût été, d’ailleurs, un épisode de plus dans mon voyage et dans mon esprit un doute de moins. Le ciel, jaloux de mon bonheur, ne le permit pas.

De retour à San-José, j’attendis, tout en griffonnant quelques notes, que les néophytes eussent achevé de confectionner les divers objets que je leur avais commandés. Quand tout fut prêt, je pris congé du missionnaire qui, me traitant d’enfant terrible et s’épouvantant à l’idée de me laisser voyager seul, se résolut à m’accompagner jusqu’à Pevas où d’ailleurs il avait affaire. Le surlendemain, nous nous séparâmes définitivement ; un pied sur la berge, l’autre sur le bordage de mon égaritea, le digne religieux me serra dans ses bras : « Bon voyage, sur les deux fleuves de l’Amazone et de la vie, » me dit-il avec un sourire qu’il crut railleur et qui n’était que triste. Qu’il croie toujours à la réalisation de son double souhait ; ce n’est pas moi qui l’irai détromper !