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Habitations dans la forêt. — Dessin de Karl Girardet.


VOYAGE AU SOUDAN ORIENTAL,


PAR M. TRÉMEAUX[1].


1848-1850. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




Homme emporté par un crocodile. — Un coup de dent de crocodile. — Chasse à l’hippopotame. — Sauvage harmonie. — Voisinage des éléphants.

Nous allons maintenant nous reporter dans le haut Sennâr et le Fa-Zoglo, à l’entrée du pays des nègres, théâtre des scènes les plus émouvantes, des actes les plus barbares de l’homme contre l’homme. Franchissons donc le Sennâr avec ses mœurs étranges, avec ses pratiques inspirées autant par la jalousie de l’homme que par la vénalité et l’avilissement de la femme. Laissons le Sennâr où l’homme blanc, qui s’y réfugie, lutte en vain contre la nature qui commence à le transformer en nègre. Traversons ce pays où les deux races d’hommes les plus tranchées que la terre ait produites se sont souvent disputé le sol, sans que l’homme d’origine asiatique se doutât du sort qui l’attendait dans ces régions primitives ; car l’action du soleil sur l’homme n’agit que très-lentement, et celle du sol plus lentement encore.

Pendant que nous étions remorqués par les gens de Lony, l’un d’eux prit avec les dents le bout de la corde pour traverser un bas-fond à la nage, tandis que ses compagnons contournaient l’obstacle pour reprendre le halage au-dessus. Soudain j’entendis plusieurs voix s’élever à la fois ; le docteur, qui était debout sur la barque, répétait : « Il l’emporte ! il l’emporte ! » Un matelot criait : « El timsa ! el timsa ! » (Le crocodile) Un troisième : « El barouth ! Djibou el barouth ! » (Un fusil ! apportez un fusil !) Jetant de côté les notes que j’écrivais, je saisis

  1. Suite et fin. — Voy. pages 152 et 161.