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Page:Le Tour du monde - 15.djvu/350

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affaires à Rome… Au partir de là, nous suivîmes longtemps un très beau et très plaisant vallon cotoyant la rivière de Moselle, et vinsmes disner à Bossan (Bussang). »

Après cette halte au Saint-Mont, on se dirige vers le pont des Fées et l’on va visiter l’emplacement de l’ermitage de saint Arnoult. On entre ensuite dans la forêt de Fossard. Dans une clairière voisine de la fontaine de Saint-Sabine, on rencontre d’abord deux grands monolithes : le Fardeau de Saint-Cristophe et la pierre Kerlinkin, qui se dressent comme deux pyramides tronquées, au milieu d’une enceinte d’arbres. Un peu au delà on atteint le groupe pittoresque de la Roche-du-Thin, qui surmonte des pentes abruptes et boisées descendant jusqu’à la Moselle. Du haut de cet amas de rochers, entassés dans un magnifique désordre, se déploie une perspective immense, qui comprend au nord tout le pays d’Épinal, et au sud le sauvage et beau vallon de la Mhause.


Excursion à Gérardmer. — Le Saut de la Cuve. — Vagney et ses perles. — Le Saut du Bouchot. — Gérardmer. — Les lacs. — Le Saut des Cuves. — La Pierre de Charlemagne. — Le Honneck et ses habitants. — La vallée de Granges.

Une des excursions les plus intéressantes qu’offrent les Vosges pour la beauté et la variété des sites, est sans contredit le voyage de Gérardmer ; mais c’est un voyage qu’on ne peut faire en moins de deux journées. Par une belle matinée, on suit la route de Remiremont. Au sortir de cette ville, on entre dans la vallée de la Moselotte, qui conduit, en laissant le Saint-Mont et Celles sur la gauche, au petit village de Saint-Amé, où l’on fait une première halte. À quelques pas se trouve une jolie chute d’eau appelée le Saut de la Cuve, qui ouvre la série des charmants aspects qu’on verra se succéder presque sans interruption jusqu’au Honneck.

En cheminant encore le long de la Moselotte, on arrive à Vagney, bourg important de l’ancien duché de Lorraine, autrefois chef-lieu d’un ban considérable, et dont les premiers titres remontent a 1147.

On exploitait autrefois à Vagney des gisements de grenat, de porphyre et de calcédoine, actuellement abandonnés.

On traverse Vagney et Sapois : au delà de ce dernier village, le bruit des eaux annonce le Saut du Bouchot, une des cascades les plus remarquables des Vosges ; lorsque les eaux sont abondantes, elles se précipitent en un seul jet d’une hauteur de plus de plus de 40 mètres. Moins fortes en été, elles se brisent en deux chutes, l’une de 17, l’autre de 27 mètres, contre les rochers, d’où elles rejaillissent en écume et en paillettes étincelantes, pour recommencer bientôt après à couler calmes et inaperçues.

Depuis Remiremont, la route suit le fond de la vallée, tantôt bordée de vertes prairies, tantôt resserrée entre des blocs de granit ; elle s’élève constamment à partir de Rochesson, petit village à 23 kilomètres de Remiremont, aux deux tiers environ de la distance entre cette ville et Gérardmer.

En arrivant au point culminant de la montagne, on embrasse l’ensemble de la vallée où est assis Gérardmer ; elle forme un assez large bassin encadré par l’horizon bleuâtre et onduleux des montagnes, coupé de forêts, de rochers, de prairies, qu’accidentent de pittoresques habitations, et terminé par un lac silencieux dont la surface miroitante attire tout d’abord et charme le regard. Une route rapide, mais large et unie, qui côtoie un instant la rive sud-est du lac, conduit au bourg.

Gérardmer n’a point de monuments bien remarquables, mais il est curieux par sa disposition. Ses 6 000 habitants occupent une étendue que n’ont pas certaines villes de 100 000 âmes. Les maisons y sont largement espacées, entremêlées de places nombreuses, de granges, de jardins et même de champs et de prairies. D’abondantes et vives fontaines jaillissent çà et là, si bien que ce bourg important tient à la fois du village et du parc anglais. On y a établi depuis quelques années un établissement hydrothérapique complet. — La fraîcheur et l’abondance des eaux, non moins que le site, se prêtaient à merveille à cette installation.

Les environs de Gérardmer sont semés de blocs de granit qui percent le sol et rappellent un peu les abords de Fontainebleau. — Dans le pays, et par allusion railleuse à l’âpreté du lieu, on les a nommés les moutons de Gérardmer. Tel qu’il est, et tout fier de son industrie, qui lui a valu un développement et une richesse qui augmentent de jour en jour, de ses sites pittoresques qui attirent chaque année la foule des touristes, Gérardmer s’est fait à lui-même ce proverbe orgueilleux : Sans Gérardmer et un peu Nancy, que serait-ce de la Lorraine !

Le voyageur ne peut négliger d’aller visiter le lac placé dans la partie la plus évasée du vallon, entre le bourg et la vallée du Belliard. C’est un carré long d’une surface de 116 hectares, et ses eaux limpides ont une profondeur de 30 mètres. Par un temps calme, la traversée du lac, dans une des légères nacelles qui vous attendent au bord, permet, tout en se reposant, de suivre les détails du paysage dont on avait saisi l’ensemble en arrivant à Gérardmer.

Au retour de cette promenade, et avant de clore la journée, on peut parcourir le bourg et visiter l’église, construite en 1730 par un architecte italien. La tour, contre l’usage général du pays, est surmontée d’un dôme. Elle avait originairement une flèche, qui doublait presque sa hauteur, et qui fut renversée, le 18 février 1756, par un coup de vent dont le désastreux souvenir se conserve encore dans le pays.

Il faut ensuite se rendre au lac de Longemer, situé à 4 kilomètres au nord-est de Gérardmer.

Le chemin suit en partie les bois dans l’étroite vallée de la Vologne. Après une courte marche, on aperçoit sur la gauche un grand bloc de granit, ombragé par des pins et qu’on pourrait prendre pour la pierre tumulaire de quelque géant gaulois. Il se nomme la Pierre de Charlemagne, en souvenir d’une halte que,