bassin placé au-dessous de la chute d’où elles s’échappent par une succession de rapides qui, sur un espace de 60 à 80 mètres, font encore une différence de niveau de plus de 4 mètres.
Pendant ce temps le docteur partait en canot avec les officiers de Médine, qui, m’ayant accompagné jusque-là, espéraient reconnaître Bafoulabé. Leur espoir devait être déçu : après avoir franchi trois petits rapides, ils furent arrêtés par une véritable chute d’eau et revinrent. Ils avaient reconnu l’emplacement de l’ancien village de Foukhara, point extrême du voyage de M. Pascal en 1859. Arrivé là, et voyant les guides refuser de s’avancer plus loin, de crainte d’être surpris par les talibés d’El Hadj, il avait dû revenir sur ses pas pour s’enfoncer dans le Bambouk[1]. Dépasser ce point était donc un progrès pour la géographie du Sénégal, et le gouverneur y attachait une telle importance qu’un jour où je lui exprimais le regret d’avoir si peu de ressources pour mon voyage, il me dit : « Mais faites ce que vous pourrez ; on ne vous demande pas l’impossible, et même n’allassiez-vous que jusqu’à Bafoulabé, ce serait déjà un résultat important. »
En voyant les mêmes obstacles qui avaient arrêté
M. Pascal se dresser devant moi, et mon guide m’avouant
qu’il ne connaissait de chemin que dans l’intérieur,
tandis que j’avais à suivre le bord du fleuve pour
Cataracte de Gouïna (Sénégal), basses eaux. — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.
en étudier la navigabilité en canot, je me révoltai contre
ces difficultés et, dès que les officiers de Médine,
MM. Poutot et Bougel, eurent repris la route de leur
poste avec leur escorte de tirailleurs sénégalais, je renvoyai
ce guide et pris la route de Foukhara, bien décidé
à ne reculer que devant l’impossible.
Le même soir je campai au premier barrage reconnu par M. Quintin, décidé à aller le lendemain au second. Et cependant les choses s’annonçaient mal : les hommes envoyés pour reconnaître les sentiers de terre et brûler les herbes ne parvenaient pas à les enflammer ; une mule venait déjà de succomber. Deux hommes ayant bu de l’eau d’un marigot, avaient été pris de vomissements assez violents pour leur faire rejeter des vers de l’estomac. Nous n’avions plus de guide ; devant nous était l’inconnu.
À quelle distance trouverions-nous des villages habités ? À quel parti appartiendraient leurs populations ? Comment nous recevraient-elles ?
Toutes ces questions étaient pendantes, et plus elles étaient menaçantes, plus mon courage s’exaltait, plus je m’affermissais dans la pensée d’aller en avant, quoi qu’il arrivât.
(La suite à la prochaine livraison.)
- ↑ Voy. la relation de M. Pascal, Tour du Monde, t. III, p. 39.