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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/191

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Commençons par résumer, en auditeur fidèle ? les traditions, vraies ou fausses, répandues dans le pays, sur l’origine et la formation du peuple cabardin :

« Les princes de la Cabarda et le peuple lui-même sont originaires d’Égypte. Ils quittèrent en masse cette contrée, et se colonisèrent en Crimée sur le ruisseau Cabarda, qui leur a donné son nom. Ils émigrèrent une seconde fois, passèrent la mer, et suivirent les rives
Bohémienne.
du fleuve Coubagne : arrivés à sa source, la plupart d’entre eux s’y fixèrent définitivement. Quelques-uns s’établirent au delà du Coubagne ; enfin, d’autres, en plus grand nombre, plantèrent leurs tentes dans la contrée où se trouvent aujourd’hui la grande et la petite Cabarda. Plusieurs de leurs princes, et leur chef souverain, se convertirent au christianisme qu’ils avaient appris à connaître chez les Grecs, lorsqu’ils habitaient la Crimée, et, en partie, les bords du Coubagne. Le peuple cabardin était réputé le plus puissant dans les montagnes du Caucase, et toutes les peuplades voisines lui payaient tribut.

« Il était formé de diverses classes sociales : il y avait des cultivateur son esclaves, et des nobles de quatre espèces ou degrés, en y comprenant les princes.

Au-dessus de ces classes était le Valiy, c’est-à-dire le prince des princes, qui gouvernait le peuple : son pouvoir était héréditaire.


Bohémienne.

« Le mécontentement contre le gouvernement russe suscita des émigrations fréquentes au delà du Coubagne. Non-seulement des familles, mais encore des communes entières, quittaient le sol natal, et se fixaient chez les peuplades insoumises. Une des principales causes de l’émigration fut l’abrogation du droit de juger les différends intérieurs d’après la loi du Chariate, qui fut remplacée par la justice vénale des commissaires militaires. Ce qui mit le comble au mécontentement, ce fut la défense du pèlerinage de La Mecque.

« Une peste qui se déclara au commencement de notre siècle, et qui sévit pendant quatorze années successives, détruisit plus de la moitié de la population. Le général Yermoloff acheva les restes en 1822. Il mit à feu et à sac toute la Cabarda, dont les habitants furent en grande partie dispersés. De nos jours, leur nombre ne va pas au delà de dix mille : leur influence sur les tribus voisines est perdue à jamais. »

Je donne tous ces détails tels qu’ils m’ont été transmis par plusieurs habitants.

Les relations des Cabardins avec la Russie datent de loin. Ils ont reconnu la souveraineté des tzars russes sur leur pays sous Jean le Terrible, lors de sa campagne d’Astrakhan. Cette sujétion cependant, presque volontaire, était plus apparente que réelle. Le véritable asservissement ne remonte pas au delà du dernier siècle. La masse de la population et ses princes se montrèrent depuis plus fidèles au trône de toutes les Russies que les autres montagnards. Les soulèvements à main armée furent rares. Néanmoins,
Bohémiens.
ce peuple soumis en apparence a toujours montré peu de confiance en ses nouveaux dominateurs, et ses dispositions sont les mêmes à notre époque.

Ainsi que nous l’avons dit, la population se divise en deux classes distinctes, les nobles et les cultivateurs ou esclaves. Il existe entre ces castes une ligne de démarcation qui frappe tout d’abord les yeux : l’extérieur et les manières font sentir la différence aussi aisément que le costume lui-même.

Un jeune noble ou fils de prince, dès l’âge le plus tendre, est habitué à manier les chevaux et les armes ; il est élevé dans le mépris de toute autre occupation. Il sait qu’il n’acquerra l’influence sur les siens et qu’il ne gagnera leur estime qu’en donnant des preuves de courage et de bravoure, d’audace et de fierté. Mais le vaste champ dans lequel ses aïeux trouvaient la gloire n’existe plus depuis la pacification de cette contrée. Jadis les excursions et les courses en pays