Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 17.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croissante s’était déclarée entre Samba Yoro, capitaine de rivière, et Bakary Guëye, mon homme de confiance, que je me savais dévoué. Les choses étaient arrivées à tel point que j’avais dû intervenir pour les empêcher de se battre, et mettre Bakary en faction, seule punition que je pusse infliger. En dehors de cela, Bara, un de mes hommes les plus courageux et les plus habiles, venait de se blesser cruellement. Dans un barrage, au moment où il supportait tout le poids du canot, il avait glissé dans un de ces trous désignés, au Sénégal, sous le nom de baignoires, dont les bords, travaillés par les cailloux roulés et les eaux, sont souvent tranchants comme un couteau, et il avait une entaille profonde à la jambe.


Montagnes du Bambouk. — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.

Mamboye, sergent de tirailleurs que j’employais surtout à terre, était attaqué de fréquents accès de fièvre, et la plupart des hommes avaient, par suite de travaux alternatifs dans l’eau et dans les broussailles épineuses, les jambes très-endommagées.


Montagnes de Bafing : Vue prise de Firia (voy. p. 30). — Dessin de Tournois d’après l’album de M. Mage.

Le 10 décembre, vers neuf heures et demie, je me trouvais sur le bord, du fleuve, près de l’embouchure du Bafing. Voyant le canot devant nous, je cherchai à le rejoindre, et je tombai alors dans un fourré d’épines, véritable labyrinthe, dont je ne pus sortir qu’en laissant des lambeaux de vêtements aux branches, avec force épines dans ma figure et dans mes mains ensanglantées. Un peu plus tard, j’étais dans des herbes hautes de neuf à dix pieds. Voyant bondir devant moi deux magnifiques antilopes, j’armai mon revolver pour tirer, mais mon ardeur cynégétique se calma sous le rugissement d’un lion qui, à dix pas, se dressa dans les herbes où il était tapi et peut-être en chasse. La mule que je montais m’emporta,