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Page:Le Tour du monde - 17.djvu/240

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de l’automne, on coupe ces graminées sur beaucoup de points, et l’on obtient par là le plus beau et le plus nourrissant fourrage. Les animaux en sont friands, mais l’aiment encore mieux sur pied, et les Prairies ont été avec raison appelées le paradis terrestre des bestiaux. Les bouviers qui vont en longues caravanes à travers le grand désert, conduisant dans leurs lourds fourgons, vers les villes naissantes encore privées de chemins de fer, les marchandises des États de l’Est, recherchent ce fourrage pour leurs bêtes.

Des herbes odorantes se mêlent aux graminées. C’est la menthe, la sauge ; c’est l’immortelle rustique, l’art émise, l’absinthe aux senteurs pénétrantes, et mille autres végétaux que l’on foule aux pieds sans y prendre garde, et qui renferment plus d’un principe utile et ignoré.

Ça et là on distingue quelques plantes encore plus particulières à la Prairie. C’est l’herbe à savon, sorte de yucca ou d’asphodèle, dont les racines font mousser l’eau et dont le port rappelle celui de l’aloès, sans en excepter la longue hampe au bout de laquelle elle jette sa fleur ; ce sont les opuntias nains, qui étendent au milieu du gazon leur raquettes armées de piquants, et portant en été leurs fleurs rouges et plus tard leurs figues gommeuses.

Les arbres sont rares. On rencontre quelques conifères sur les bluffs. Le long des cours d’eau, les joncs, les coudriers, les osiers, croissent par touffes ; par
Une halte dans la Prairie. — Dessin de Janet Lange d’après des croquis originaux.
places isolées se montre le roi des peupliers, le peuplier du Canada, que les Américains nomment le cottonwood, ou le cotonnier, sans doute à cause du duvet blanc qui recouvre le dessous des feuilles. Le tronc est large, le bois noueux, l’arbre étend au loin ses vastes ramures ; il n’offre rien qui rappelle le peuplier d’Europe, sinon sa croissance rapide, et l’on dirait plutôt un vieux chêne. La feuille seule, par la forme caractéristique, trahit l’essence de l’arbre. Le cotonnier est l’arbre aimé du coureur des plaines ; c’est lui qui de loin signale inévitablement les cours d’eau, dont il jalonne quelquefois les rives sur de très-grandes longueurs.

Telle est la flore, telle est la faune du grand désert américain. Entre le Mississipi et les montagnes Rocheuses, sur mille milles de largeur, entre le trentième et le cinquantième degré de latitude nord, du golfe du Mexique à la baie d’Hudson, sur un espace qui égale en superficie celui de toute l’Europe centrale, le voyageur rencontre les mêmes plantes, les mêmes animaux. Il rencontre aussi le même sol, un sol de riches alluvions, de terres épaisses où l’on ne trouve pas une pierre, mais parfois aussi un sol de graviers siliceux et de cailloux roulés descendus des montagnes Rocheuses.

L. Simonin.

(La suite à la prochaine livraison.)