armés de fusils à deux coups, — le plus grand luxe du
Calédonien. Lorsque le chef était jeune, son discours
terminé, il simulait un combat, bondissait au-devant
du groupe, en brandissant sa zagaie que tout à coup il
jetait au loin devant lui dans la plaine comme sur un
ennemi simulé. Telles étaient les scènes qui se déroulaient
devant nos yeux lorsque soudain un jeune Chef
étranger bondit hors des rangs, brandit un instant
dans ses mains sa zagaie flexible, prononça quelques
mots d’une voix retentissante, et au lieu de lancer son
trait dans les herbes de la prairie, l’envoya de toute sa
force sur un bouquet de cocotiers situé sur le plateau.
Quel que fût le but ou la cause de cet acte, exécuté
avec la rapidité de l’éclair, il produisit sur les assistants
un effet aussi prodigieux qu’instantané ! Une clameur
immense retentit, le chef même de Houindo, armant son
Cascade de Ba, dans la baie Lebris. — Dessin de E. Dardoize d’après une photographie de M. E. de Greslan.
fusil, s’élança d’un seul bond au-devant de l’étranger,
l’ajusta… et c’en était fait de lui, si un vieillard n’eût
relevé l’arme dont la charge se perdit dans l’air. À
partir de ce moment je ne vis plus rien de la scène
que me cacha aussitôt la foule. La plupart des naturels
couraient çà et là comme les habitants d’une fourmilière
ouverte par un coup de pied. Il fallait que les
paroles et l’acte de l’étranger eussent été bien extraordinaires
pour que les Calédoniens, toujours si amis du
décorum dans leurs fêtes, fussent ainsi troublés. Nous
attendions avec une certaine anxiété le dénoûment de
cette affaire, lorsqu’un Kanak s’approchant de moi me
dit de la part du chef, notre hôte, que la fête se trouvait
terminée, et m’indiquant en même temps un grand
tas d’ignames, de poissons, etc…, il ajouta : « Voilà
les présents que le chef offre à toi et à tes hommes. »
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