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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/172

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aux époques de la ponte, pour ne pas effrayer les couveuses, montrent qu’il s’agissait uniquement de favoriser la production du huano blanco, et que ces mesures n’avaient pas été prises pour protéger ces immenses amas de guano que l’antiquité péruvienne a laissés intacts, comme si elle eût voulu les réserver pour les conquérants du nouveau monde.

En allant du sud vers l’équateur, les huaneras principales sont celles de Chipana, Huanillos, Punta de Lobos, Pabellon de Pica, Puerto ingles, Islas patillos, Punta grande, Isla de Iquique, Pisagna, Ilo, Jesus y cocotea, les îles de la baie d’Islay.

Entre Islay et un point situé à quelques lieues de Pisco, on ne connaît pas de guano de pajaro (guano d’oiseau), les eaux étant principalement fréquentées par des phoques, des marsouins, des loups de mer (lobos). Aussi, les amas de guano, d’ailleurs fort restreints, que l’on voit dans ces parages, sont-ils presque entièrement formés des déjections et des squelettes de ces animaux.

Le guano est déposé sur de petits promontoires, sur des falaises ; il remplit des anfractuosités. En général, il est là où les oiseaux trouvent un abri contre les fortes brises du sud.


Indigène bolivien émigré aux îles Chincha. — Dessin de A. de Neuville, d’après une photographie.

Les roches de cette partie de la côte consistent en granit, en gneiss, syénite et syénite porphyrique. Le guano qu’elles supportent est le plus souvent en couches horizontales ; quelquefois cependant elles sont fortement inclinées, comme à Chipana, où elles deviennent presque verticales. Dans certaines huaneras, on rencontre un mélange de déjections d’oiseaux et de déjections de poissons ou de cétacés (lobos). M. Francisco de Rivero signale particulièrement ce mélange à Punta de Lobos où, sur des strates d’un guano d’un gris obscur, on trouve superposées d’autres strates presque noires, d’une épaisseur de deux pieds, recouvertes à leur tour par de nouvelles couches de couleurs variées. La strate noire est remplie de petites pierres de porphyres luisantes, elliptiques, que les phoques (lobos) ont l’habitude d’avaler et qui accompagnent toujours leurs déjections. Les dépôts de guano sont ordinairement au-dessous d’un agglomérat de sable et de substances salines, le caliche, que les ouvriers enlèvent pour commencer une exploitation. Sur quelques points, comme à Pabellon de Pica et à Punta grande, le gîte est sous du sable descendu des montagnes voisines, et rien n’établit mieux son ancienneté dans cette localité qu’une observation faite par M. F. de Rivero. Sur la roche qui leur sert de base, l’on voit des couches horizontales de guano, supportant un dépôt de trois mètres de puissance, appartenant à l’alluvion ancienne, renfermant des empreintes de coquilles marines, et, sur cette alluvion, contrairement à ce qui a lieu ordinairement, sont placées plusieurs strates de guano, recouvertes par le sable de l’alluvion actuelle. Le plus ordinairement, l’extraction du guano a lieu à ciel ouvert ; cependant, la huanera de Chipana est exploitée par des travaux souterrains poussés au-dessous de l’agglomérat salin et crétacé (caliche).

Dans la huanera de Punta de Lobos, le guano de pajaro, en strates horizontales, légèrement ondulées, est d’un brun très-foncé ; il renferme du guano de lobo, comme l’indiquent des ossements de marsouins, de phoques lobos), et les pierres polies elliptiques qui caractérisent les déjections de ces animaux. On attaque la masse au pic et à la poudre. Le guano, mis en sac, est glissé sur des radeaux (balsas), qui le transbordent ensuite sur de petits bâtiments (guaneros). Les ouvriers reçoivent une piastre (cinq francs quarante centimes) par jour, la nourriture et de l’eau douce, que l’on est obligé d’aller chercher au rio Loa, quand les navires en chargement n’en apportent pas.

La huanera de Pabellon de Pica prend son nom du village de Pica, placé à trente lieues dans l’intérieur. C’est une montagne conique de trois cent vingt-cinq mètres d’altitude ; la roche cristalline, que l’on suit jusqu’à cent soixante mètres de hauteur, est recouverte par un grès peu ancien parfaitement caractérisé. La puissance des strates de guano superposées au grès est de quinze à vingt varas[1]. Le produit le plus estimé provient d’un escarpement de plus de deux cents varas de largeur, que recouvre un amas de sable. Dans la zone inférieure, les strates sont séparées par une al-

  1. Le vara est une mesure de 82 ou 85 centimètres.