Aller au contenu

Page:Le Tour du monde - 18.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

luvion ancienne de deux à trois varas d’épaisseur et d’une grande dureté. Une soixantaine d’ouvriers sont établis sur la huanera, dont la rade est assez profonde pour que les bâtiments guaneros y jettent l’ancre, à vingt-cinq varas de l’embarcadère.

La huanera del Puerto ingles est un petit promontoire à moins d’un mille de distance de Puerto pabellon ; on en tire tout le guano nécessaire aux cultures de Taracapa. Comme à Chipana, les travaux sont exécutés sous le caliche.

La huanera de Iquique y patillos, située au nord de Pabellon, est un îlot dans la rade d’Iquique. Ce gisement est à peu près épuisé ; on en extrait du huano blanco, que les oiseaux y déposent journellement.

La huanera de Punta grande est un promontoire à quatre lieues au nord d’Iquique. Le guano remplit plusieurs ravins (quebradas) ouverts dans une roche quartzeuse feldspathique en relation avec un calcaire ; il est comme enseveli sous du sable venant du cerro de Tarapaca, qui domine la localité. Aussi est-on obligé d’exploiter par des travaux souterrains.

Plus au nord, on connaît encore des gîtes de guano peu importants et d’un accès fort difficile. Tels sont ceux que l’on aperçoit entre les morros de Vigas y Carreta, ou bien encore ceux des îles de Ballista, à l’ouest de Pisco ; mais c’est dans cette zone que sont les trois îles de Chincha, les plus riches en guano ammoniacal et qui alimentent l’exportation pour l’Europe. Elles sont, par treize degrés et demi de latitude australe, à environ douze milles à l’ouest-nord-ouest de Pisco ; alignées dans une direction nord-sud et séparées par deux passes, l’une de cinq cents varas, l’autre de huit cents varas de largeur, les côtes qu’elles présentent vers le sud et vers l’ouest sont coupées à pic. C’est sous le vent de l’île la plus septentrionale que la plupart des navires viennent charger. Les sommets les plus élevés des îles de Chincha ne dépassent pas cent dix varas ; leur base granitique est entourée de récifs d’autant plus périlleux qu’il règne presque constamment un vent très-vif, la paracà, depuis dix à onze heures du matin jusqu’au coucher du soleil. La réverbération du sol, la poussière en suspension dans l’air, élèvent singulièrement la température ; aussi les ouvriers ne travaillent-ils que pendant la nuit. Le guano est en strates horizontales assez souvent ondulées, contournées vers leurs extrémités ; elles sont rougeâtres vers le haut, d’un gris plus ou moins clair vers le bas ; le guano y est partout excellent, excepté dans les assises inférieures, où il est mêlé de huano de lobo. On exploite à ciel ouvert. Dans les tailles, on rencontre des fissures remplies de cristaux de sels ammoniacaux ; l’on trouve aussi, dans ces huaneras, des œufs pétrifiés, des plumes, des ossements et même des oiseaux momifiés.

À trente ou quarante mètres au-dessus de la mer, M. Bland a vu, çà et là, le sol jonché de blocs de granit analogues aux roches alpines erratiques dispersées sur les pentes du Jura. Ces blocs reposent sur le guano, et ils sont comme encaissés dans des squelettes de guanaes.

… Les huaneras fournissent deux sortes de produits : le guano ammoniacal, mélange de phosphates terreux, d’urates, de sels à base d’ammoniaque, et le guano terreux formé essentiellement de phosphate de chaux et à peu près dénué de matières organiques azotées.

Il semble d’ailleurs évident que les guanos terreux et les guanos ammoniacaux ont une même origine : les déjections et les dépouilles des oiseaux de mer. La disparition de l’ammoniaque est due probablement à des circonstances locales, telles que l’abondance et la fréquence des pluies qui favorisent naturellement la décomposition des substances organiques et la dissolution des sels à base d’ammoniaque.

La partie du littoral de la mer du Sud où gîte le guano ammoniacal offre, en effet, cette particularité, que, sur une étendue considérable, depuis Tumbes jusqu’au désert d’Atacama, la pluie est pour ainsi dire inconnue, tandis qu’en dehors de ces limites, au nord de Tumbes, dans les forêts impénétrables et marécageuses de Choco, il pleut presque sans interruption. À Payta, placé au sud de cette province, lorsque je m’y trouvai, il y avait dix-sept ans qu’il n’avait plu. Plus au sud encore, à Chocopé (latitude sept degrés quarante-six minutes sud), on citait comme un événement mémorable la pluie de 1726 ; il est vrai qu’elle dura pendant quarante nuits, car elle cessait pendant le jour.

La rareté des pluies dans ces contrées est attribuée à la permanence et à l’intensité des vents sud-sud-est. C’est en mai et juin qu’ils soufflent avec le plus de force. Le ciel est alors d’une admirable pureté ; la température baisse par l’effet de ces courants d’air venus des régions polaires australes, qui annoncent la fin de l’été (verano).

Il n’y a pas d’orage sur cette côte péruvienne. Un habitant de Piura, de Séchura, s’il n’a pas voyagé, n’a aucune idée du tonnerre. Cependant, on se tromperait singulièrement si l’on s’imaginait que la sécheresse est permanente sur le littoral. Pendant plusieurs mois la terre est abreuvée sans recevoir de pluie ; les vallées, les coteaux se couvrent de verdure. C’est qu’il arrive une époque où le vent des régions australes est remplacé par un vent du nord à peine perceptible, si faible qu’il a tout juste la force nécessaire pour faire mouvoir une girouette, pour agiter les banderoles des navires ; c’est une légère agitation de l’air, un calme indécis indiquant que la brise sud-sud-est a cessé. À partir de ce changement, de juillet à novembre, l’atmosphère prend un aspect tout différent, que le vent, en reprenant peu à peu avec mollesse la direction normale sud-sud-est, ne modifie qu’avec lenteur. On est alors en hiver (invierno). À la vive lumière dont le pays était inondé, a succédé un demi-jour qui attriste l’esprit. Le ciel est voilé par un épais brouillard ; ce n’est plus que rarement, pendant quelques éclaircies, que l’on aperçoit le soleil ; régulièrement, entre dix heures et midi, de la vapeur vésiculaire s’élève et se maintient