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Page:Le Tour du monde - 18.djvu/73

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étrangères à la toilette des indigènes. Au reste, ceux-ci tirent aussi parti du lin, du chanvre, du coton et du papier végétal, pour faire du fil, de la ficelle, des cordons, des câbles et des cordages.

Les écheveaux de soie font le plus grand honneur à l’art des dévideuses. On en voit de très-élégants pour le jeu du cerf-volant et pour la chasse au faucon. Les cordes des instruments de musique sont en fil de soie recouvert d’un vernis.

On tresse des corbeilles, des nécessaires, des nattes, des claies, des stores, des paillassons, en paille de riz, en rotin, en filaments d’une sorte de bryonia, en petites branches de saule ou d’osier, et en écorce de bambou.

Les stores sont généralement ornés de dessins de fleurs et d’oiseaux très-habilement découpés sur les lamelles de l’ouvrage à claire-voie.

Les filaments d’écorce de palmier fournissent la matière de magnifiques balais et d’excellents manteaux de pêcheurs. Les oiseleurs et les marchands de volaille font usage de cages de bambou dont les formes varient depuis le type commun de la ruche et du panier couvert, jusqu’aux plus gracieuses imitations de pavillons champêtres et de maisonnettes de jardins.

L’on voit aussi de grosses cloches en treillis de bambou, sous lesquelles les charcutiers et les restaurateurs exposent aux regards des passants leurs plus belles pièces de gibier, telles que le sanglier, le cerf et l’ours noir de Yéso. Quant aux animaux réputés
Tresseuses de cordons de soie. — Dessin de A. de Neuville d’après une gravure japonaise.
pour leur malignité, on n’a garde de leur faire tant d’honneur : le renard, étendu sur l’étal, est condamné à tenir dans sa gueule le couteau qui doit le dépecer ; et le singe, suspendu par ses quatre mains au chambranle de la porte, devient la risée des enfants de la rue, qui insultent à sa face rouge et grimaçante.

Ailleurs, devant un magasin d’objets d’art et d’industrie, une foule de curieux de tout âge et des deux sexes contemplent avec une naïve admiration de grands aquariums en grosse porcelaine, bleue et blanche, où des poissons rouges s’ébattent dans une eau limpide reposant sur un lit de petits coquillages. Au centre des bassins, trois ou quatre plantes assorties, en pleine végétation, marient en un groupe pittoresque l’éclat de leurs couleurs et les gracieux contours de leurs feuilles, de leurs fleurs et de leurs rameaux. Aucun détail de ces harmonieuses combinaisons végétales n’est abandonné au hasard. Chaque jour, pour ainsi dire, la main de l’horticulteur dirige l’œuvre de la nature, lui assigne des limites, ou la force de se déployer dans le cadre qu’il lui trace. Ce qu’il y a de plus remarquable encore, c’est que jamais sa fantaisie ne l’entraîne aux aberrations qui, en Chine et ailleurs, outragent la nature, la peuplent d’arbres taillés en figures géométriques et d’arbustes arrangés en façon d’animaux. Le goût des Japonais dans les arts populaires, indépendants des influences conventionnelles des deux cours, a toute la fraîcheur d’une civilisation qui ne fait que s’épanouir. Aussi n’est-il pas exempt d’une certaine puérilité : témoin la passion, véritablement enfantine,