sion dans les montagnes, de peur d’être oblige de me suivre.
Quand je dis qu’il ne faisait rien, c’est par oubli : le coquin avait su se procurer dans le bazar de Djewilisk une sorte de mandoline, avec laquelle il accompagnait une mélopée criarde ; cette détestable musique était pour moi un supplice.
Partis à midi de Trébizonde, nous nous retrouvâmes le soir à Djewilisk. L’un de nos compagnons de voyage nous y prépara un souper pantagruélique ; il fit entrer cinquante œufs et un gigot de mouton salé et fumé, qu’on nomme tourma, dans la confection d’une omelette gigantesque.
Les quatre loupeurs étaient des types curieux. Ils
ne doutaient de rien. Montés sur de bons chevaux,
sans autre bagage que quelques vêtements, armés
d’une tarière pour sonder le bois et d’une grande scie
de scieur de long, ils allaient exploiter les loupes
que deux d’entre eux avaient trouvées l’année précédente
sur les bords du lac de Van et dans les montagnes
qui le dominent au nord-est, contrées les plus
sauvages et les moins connues de l’Arménie. Il n’est
pas facile d’y pénétrer, et ils avaient en perspective
un rude travail, la coupe et le transport de blocs de
bois pesant de trois cents à mille kilos, mais ils paraissaient
n’en avoir aucun souci.
Ils n’avaient pas de cartes et ils n’auraient pas su s’en servir ; cependant, après avoir vu la mienne, l’un d’entre eux me demanda de lui en procurer une, persuadé qu’il parviendrait à la comprendre.