Page:Le Tour du monde - 52.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quarès et Merle dans quatre jours après, avec poudres, balles, et lesdits canons descendus à a descente de Molines, presque inaccessible, et la façon qui furent descendus, ayant attaché vingt paires de bœufs par derrière le canon pour le retenir qu’ils ne prissent la descente et tiré seulement par une paire au devant, logèrent le même soir les canons joignant des maisons du côté de Florac. Le jour suivant, de bon matin, commença la batterie. Sur le soir on se loge sur une tour, faisant le coin de la ville, que le canon avait abattu, attendant le jour d’après pour faire élargir la brèche et donner l’assaut ; mais, sur la minuit, les soldats de la garnison, en nombre de quatre-vingts à cent, prirent telle appréhension d’être forcés qu’ils persuadèrent à M. de Lambrandès, leur gouverneur, de déloger avec eux : ce qu’ils firent à l’instant, sortant en foule, passant la rivière du Tarn au gué, grimpent la montagne de Notre-Dame de Quézac, où aucuns furent tués, et pris prisonniers les autres, se sauvant sans armes à Quézac.

« Le jour suivant, Gondin avec son régiment et autres compagnies des Cévennes vont bloquer le château de Quézac ; Porquarès et Merle font marcher le canon qui fut mis en batterie sur le soir ; au plus matin comme la batterie droite au château, leur ayant tiré environ deux cents coups de canon, n’étant encore la brèche raisonnable. Deux soirs après, font un trou audit château par derrière, passant certaine garde du côté de la rivière du Tarn et se sauvant la plupart par la montagne à Sainte-Érémie (Énimie), ayant à leur sortie laissé quelques soldats en garde qui se laissent surprendre, Merle laisse dans lesdites places quelques-uns des siens.

« Quelques jours après, lesdits sieurs ayant fait telle diligence que, bien qu’il ait fallu passer et repasser quatre fois à gué le canon à la rivière de Tarn, le plus souvent que le canon avait une toise d’eau par-dessus et les bœufs à la nage, ils mirent le canon devant Bédouès…[1] »

Charbonnières (voy. p. 278). — Dessin de Vuillier, d’après nature.

Merle saccagea Ispagnac et Quézac, sauf le château qu’il conserva jusqu’au moment où il acquit, aux frais de la province de Gévaudan, les baronnies de Lagorce et de Salavas en Vivarais. Quant à ses canons, ne pouvant leur faire remonter les pentes de l’Estrade de Molines, il les fit scier à Quézac.

En face d’Ispagnac, dans une presqu’île de la rive gauche du Tarn, véritable impasse fermée au sud par les murailles rouges et les éperons du causse Méjan, se trouve le célèbre lieu de pèlerinage de Notre-Dame de Quézac. Au moyen âge, l’affluence des pèlerins était telle, que, pour éviter aux fidèles le passage à gué de la rivière, le pape Urbain V, après avoir érigé Quézac en collégiale, décréta la construction du joli pont ogival qui, rétabli sur le même modèle sous le règne de Louis XIII, existe encore.

Mais nous ne sommes pas encore entrés dans le cagnon, et il nous faut un peu presser le pas. La route de voitures qui vient de remplacer le chemin de chars et qui sera continuée jusqu’au Rozier est excellente, elle côtoie la rive droite, suivant tous les méandres de la rivière. Un peu au delà du joli pont de Quézac, sur la rive gauche et dans le lit même du Tarn, se montre une petite tour ronde ; elle sert d’abri à une fontaine d’eau minérale gazeuse, sulfatée, sodique, qui, au dire des habitants, est une véritable panacée. Au mois de septembre, cette source attire nombre de visiteurs, qui font à la fois une cure de raisin et une cure d’eau minérale.

Un peu plus loin, mais sur la rive droite, est le premier affluent[2] du Cagnon du Tarn, la belle source de Vigos, qui, au dire de la tradition, aurait autrefois roulé des paillettes d’or. Laissant au nord la route de Mende et de Saint-Flour, nous continuons à longer la rive droite du Tarn, dont le cours, après s’être heurté

  1. Les Exploits de Mathieu de Merle, baron de Salavas, par le capitaine Gondin. Pièces fugitives du marquis d’Aubais.
  2. Dans toute la traversée du Cagnon, d’Ispagnac au Rozier, le Tarn n’a d’autres affluents que les sources de fond et les sources magnifiques qui sourdent au pied des murailles des deux causses. Aucun ravin, sauf à la fonte des neiges ou à la suie de forts orages, ne lui apporte une goutte d’eau, les eaux des deux causes s’infiltrant dans les couches de la roche jurassique et ne venant sortir que très bas au contact du lias.