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peu et que l’on tasse avec un petit morceau de bois jusqu’à hauteur voulue. Un léger tampon d’ouate empêche le tabac de s’échapper. Il faut un quart d’heure pour faire cent cigarettes,

Le tabac eu Russie est à très bon marché : pour deux ou trois roubles la livre on en a d’excellent. Or pour le moment le rouble vaut à peu près 2 fr. 60. Il y a 100 kopeks dans un rouble : les droits sur le tabac sont donc insignifiants, et, étant donné le nombre des fumeurs, si le Tsar mettait un impôt sérieux sur cette consommation de luxe, il aurait bien vite les sommes nécessaires à la construction du grand Transsibérien.

YUENE-SANE[1] (PAGE 195).

Nous rencontrons des marins en permission, Ils sont chargés de bottes de muguet, qu’ils m’offrent à 5 kopeks la pièce. J’en prends deux superbes. En arrivant à bord je m’aperçois que tout le monde a eu la même idée. Le salon en est embaumé ! Il faut avoir soin d’ouvrir une claire-voie pour que nous ne soyons pas asphyxiés pendant la nuit.

Le soi chez M. Cheveleff, mêmes places à table ; mon voisin est toujours silencieux, mais aujourd’hui nous avons fait honneur à la zakouska.

Je parle d’essence de muguet. Cela suffit pour lancer M. Startseff sur une nouvelle piste. Son île est remplie de muguet, il va en faire de l’essence. Puis-je lui donner une recette ? Je lui donne celle de l’eau de fleur d’oranger : il traitera ses muguets par le même procédé ! S’il réussit, je prends un brevet !

7 juin. — Je déjeune chez l’amiral Tyrtoff, à bord du Pamyat-Asowa, avec tout son état-major. Le médecin en chef de l’escadre fait des études sur le fusil Lebel, dont il possède un exemplaire. Il me montre trois plaques, l’une en cuivre, de 0 m. 014, l’autre en acier de 0 m. 006, et la troisième en plomb, sur lesquelles il a tiré. Les résultats sont prodigieux. Il a également tiré sur des chevaux morts, pour étudier les blessures produites par la balle,

L’amiral va chercher Marie pour visiter le cuirassé, chose toujours fort intéressante, même pour les profanes. Cette exquise propreté, cette discipline, cette énorme quantité d’hommes dans un si petit espace où tous sont occupés comme les abeilles d’une ruche, ces monstres en acier qu’une seule main peut faire mouvoir, monter, descendre, basculer, tout vous impressionne.

L’amiral Tyrtoff nous conduit partout : il est fier de son bateau et il a raison. C’est le Parnyat-Azowa qui a eu l’honneur de porter le Tsarevitch dans son

  1. Dessin de Riou, gravé par Privat.