Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/84

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Quand il est près du mur, son regard semble suivre,
À travers les carreaux dépolis par le givre,
Les buveurs attablés, jasant, la tasse aux dents ;
Il fait si froid dehors ! Il fait si chaud dedans !
L’homme entre. Il se faufile, il s’assied près du poêle
Et se sent réchauffé jusqu’au fond de la moelle.
Le lieu n’est pas plaisant. Les hôtes de céans,
Tous bons chrétiens sans doute, ont l’air de mécréants ;
Appuyant lourdement leurs coudes sur les tables,
Les vieux paraissent vieux et non pas respectables ;
Les gens de hou renom ne sont guère nombreux
Et les vagabonds seuls ont l’air d’être chez eux.
Tous ont d’ailleurs ce point commun dans leur histoire
Que pas un n’avait soif quand il est venu boire.
Les sièges sont boiteux, on est bien mal assis,
Les murs sont imprégnés de miasmes rancis
Et sous le plafond bas s’entasse comprimée
Une brume fétide et lourde où la fumée
De la pipe se mêle aux vapeurs du charbon ;
Mais la place est bien chaude et le café sent bon.
Le bonhomme sourit à la tasse servie,
Regarde tendrement le sucre et l’eau-de-vie,
Trempe l’un, verse l’autre, agite et mêle ; on voit
Au bout de la cuiller tournoyer sous son doigt
Le tiède gloria pleurant dans la soucoupe.