Page:Le Vavasseur - Églogues, Lemerre, 1888.djvu/85

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C’est un fin cuisinier qui sait faire sa soupe
Et la goûter… il boit… un coup… un coup encor…
Un ruban de velours, semé d’épingles d’or,
Lui descend tout le long du gosier… il s’arrête
Et fait claquer sa langue en remuant la tête.
C’est bon le premier coup ! c’est si bon qu’il vaut mieux
Le boire dans son coin tout seul que d’être deux ;
Mais la seconde tasse a besoin d’un compère. -
Il arrive à souhait et les deux font la paire.
Viens t’asseoir par ici, Jeannot. — Jean vient s’asseoir
Et nos deux vieux gourmands sirotent jusqu’au soir.
De pleurs intermittents leurs paupières se mouillent,
Leur langue s’épaissit, leurs cervelles s’embrouillent
Et l’air du cabaret leur tourne sur le cœur.
Le petit diable gris qui dort dans la liqueur
Égare leur raison flottant dans la fumée ;
Ils ont l’oreille rouge et la joue allumée.
Ils frappent sur la table en brandissant les pots,
Crachent cii grasseyant quelques vilains propos
Et, parmi les hoquets et les jurons infâmes
Insultent leur curé, parlent mal de leurs femmes,
Puis, toujours en querelle avec les taverniers,
En demandant à boire ils sortent les derniers.

Ils s’en vont dans la nuit, mâchonnant leur rancune,