Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
74
Le uoyage des Princes


auantures, auienent, il eſt auenu, que nous auons ouy parler des excellences de ce païs, & i’ay voulu y venir me donnant à ce marchand, pour faire de moy ce qu’il lui plairoit pourueu qu’il me mit entre les mains de l’Empereur. La Fée prenoit plaiſir aux diſcours de la Nymfe, & ſ’eſperdoit d’aiſe de l’auoir auec elle : tant pour ſa beauté & bône grace, que pour ſes autres merites, & ſurtout à cauſe de ſa belle voix & excellence en la muſique, auec quoy elle rauiſſoit tous les cœurs, que pour le cōtentemēt que l’Empereur en receuoit. Etherine viuoît auec vne belle modeſtie, gardant auſſi beaucoup de ce qu’elle eſtoit, & n’auoit point voulu feindre ſon nō à l’Empereur, afin de cognoiſtre ſ’il auoit ouy parler d’elle, & ſ’il ſ’ē auiſeroit. Elle le vouloit ainſi tenter, car ſi elle fut venue en digne appareil de ſa qualité, par courtoiſie il lui eut tout ceddé faiſant plus d’eſtat de ſon rāg que de ſa ſciēce, ce qu’elle ne deſiroit pas, & l’Empereur ne ſe fut bandé à lui reſiſter, cependant par le ſage auis de la Fee il lui donna lieu entre les Dames, auec vne honneſte ſuite de deux filles, & vn page. Aux heures des iours aſſignez pour le plaiſir de la Muſique, l’Empereur venoit à la Fontaine, où les chantres & les dames ne faiſoient pas faute, & Etherine y fit tant de fois treſbien, qu’aiſément on recognut qu’il eſtoit ſeant que tous ceux qui ſ’en meſloyent, lui cedaſſent. C’eſtoit l’ambition de ceſte Belle : Que voudroit-en dire le cenſeur des opiniōs ? que deſireroit-il en penſer ? Tout l’excés du cœur en penſees a pour ſouuerain bien la fin de ce qu’il ſe propoſe, cecy eſt la reſolution de ce qu’on en pourroit di-