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fortunez. Entreprise I.


He bien nous autres debiles perſonnes pouuons bien eſtre deceus, puis que les monarques le ſont. On dit ordinairement : ſi telle choſe eſtoit, ce grand Prince le ſcauroit, lui qui a des moyens, de l'authorité & des faueurs ! Ne pēſez pas cela, petites gens, les entrepriſes ſont ſelon les hōmes, & ie le ſçay pour l’auoir veu, & ie le diray biē, que pres des Rois & des grands, ſont le plus ſouuēt les plus ineptes, i’ay veu en des petits Baillages, des Iuges plus ſages qu’aux cours de Parlements. Tout beau Muſe, tout beau, ne vous meſlez pas des affaires d’Eſtat, laiſſez les aux Preſcheurs qui ſe veulent perdre, ſuiuons nos mignonnes conuoitiſes qui n’offencent perſonne : Alons noſtre chemin, coulons nos traces d’amour. Comme il ne ſe peut que nos aiſes continuent, ſi nos affections ne ſont reglees ; Il n’eſt pas poſſible que voulant touſiours monter ſans auoir quelque relais pour ſ’appuyer, on ne face vne grand cheute venant à eſchapper : de meſme vne vnique paſſion toute violente, ne peut qu’elle ne dōne vne grāde occaſion de debris quand vne autre la pouſſe, ceci eſt dit à l’auenture, à ce que chacun en prēne ce qu’il lui plaira. La violence & l’amour de ce Monarque s’vlcerant bruſquement, fit place à vne fureur plus inſolente & dangereuſe, & dont les effets ont paru trop pernicieux, le peril toutesfois en eſt eſcheu, ſelon les bontez ou malices des ſubjets, la fin en fera foy. Il auint vn iour qu’eſtant à la chaſſe, l’Empereur deuiſoit auec Etherine à l’oree d’vne foreſt, ils apperceurent vn cerf qui venoit lentement ſans les deſcouurir, l’Empereur dit à Etherine, Belle, voyez-vous ce cerf, où