Aller au contenu

Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
79
fortunez. Entreprise I.


vous vous eſtes ſerui de l’arc d’vn page, pour tromper vne beſte Royale : ce pauure cerf ſe preſentoit à guerre ouuerte, & vous l’auez deceu ; ainſi ſans ce ſtratageme, vous m’euſſiez pas faict rencontre. Remarquez Amans, que quiconque ayme veut que le ſujet aymé luy deffere tant, que toutes ſes actions luy doiuent eſtre perfections, tous ſes propos Oracles, & tous ſes ge ſtes graces, & puis il n’y a rien ſi delicat que l’eſprit d’vn Amant, qui ſoudain ſe picque meſmes és roſes cueillies. L’Empereur oyant cela, & voyant la façon d’Etherine, la iugea trop arrogante & temeraire, & croyant que l’amitié, dont il luy a faict demonſtration, l’ait portee au delà des limites de raiſon, pour oublier tout reſpect, fit en ſoy vn changement vniuerſel de toutes humeurs, tellement que de la fureur d’Amour qui le tranſportoit, il entra en vne rage de cholere ſi vehemente, qu’elle ſurmonta l’ardeur de ſon inſolente affection, & iettant ſur ce beau Soleil vne nuee de regards furieux, il luy dit : Comment petite impudente, eſtes vous tant preſomptueuſe que d’abuſer de mes faueurs de telle ſorte, oſez-vous tant glorieuſement me reſpondre, & faire indiſcretement la ſotte & dedaigneuſe ? folle & outrecuidee, pour vn peu de vanité : dont vous pēſez faire gloire ſurtout, vous faites de l’effrontee, à cela ie recognoy la feinte de voſtre cœur, & que vous eſtes vne maligne affettee, toute autre que ce que l’on me fait accroire : Non vous ne m’affronterez pas, c’eſt d’autres qu’il faut ſeduire par tels artifices. I’enſeigneray aux ames ingrates, traiſtreſſes & meſ-