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Le uoyage des Princes


belles ioyes & pretentions, qui luy figuroyent tant de bonnes douceurs, par la promiſe iouïſſance de ce rare ſujet, dont il ſ’eſt miſerablement priué, ſ’ennuya tant qu’il en deuint le vray prototype de triſteſſe. Quoy ? helas ! que par ſa faute ce qu’il auoit de plus cher, ait eſté la pasture des loups, que celle qu’il a tant aymee, ſoit cheute ſans ſecours entre les grifes de la mauuaiſe beſte ? Que ſa vie ait eſté deſolee par ſa malice, l’ayant cruellement precipitee entre les ongles de l’animal ſans merci ? Ce qui acheua & à bon droict de l’emporter en l’abyſme de ſes mortelles afflictions, fut vne nouuelle qui arriua cinq iours apres ceſte calamité, c’eſt que l’on r’apporta la perte de la Princeſſe de Boron, que le triſte Roy ſon pere enuoyoit chercher par tout le monde habitable, meſmes il vint de ſa part vn Ambaſſadeur en Glindicee pour implorer l’aide de l’Empereur, à la recherche du Pyrate qui auoit enleué Etherine, à ce que ſ’il eſtoit en quelque lieu des païs de ſon obeiſſance, & qu’il fut apprehendé, iuſtice en fut faite. Ce fut à ce coup que l’Empereur ſe preſta au deſeſpoir, car par le nom, les diſcours & le pourtrait qui luy fut laiſſé, lequel n’eſtoit qu’vn eſbauché, aupris de ce lui qu’elle auoit fait & le reſte des apparences, il ſ’angoiſſa du tout, & ſe deſpeça le cœur, iugez-en beaux cœurs, qui auez peut-eſtre eſprouué telles auentures. Et puis la grandeur de courage dont il l’auoit recognuë, meſmes en l’excés que l’on luy faiſoit l’expoſant, lui fit iuger que c’eſtoit celle-là meſme que l’on alloit cherchant. Sa ſageſſe pour tant le fit vn peu cōtenir en la preſence de l’Am-