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Le uoyage des Princes


vous a eſté agreable que celà fuſt, ie m’aſſeure que vous le voulez encor : ie vous prie par ce pouuoir qui m’a rendu voſtre, faire eſtat de ma perſeuerance, en laquelle ie m’entretiendray tant que i’auray du courage : l’abſence qui à men grād deſplaiſir a eſté trop longue, n’a rien effacé du ſainct caractere de vos perfections, au contraire, redoublant le feu de mes viues affections, en a cauteriſé l’impreſſion en mon cœur, qui en eſt tout tranſmué. Ie ne me ſuis point obligé à voſtre ſeruice par deſſein, vn diſcours formé ſur des entrepriſes temeraires ne m’a point conduit à ceſte heureuſe auanture : mon bon deſtin m’y a mené, & vos beaux yeux guides eternelles de mes penſees, m’induiſans à mon bonheur, m’ōt eſtably ceſte rencontre, par laquelle vous m’auez façonné au deuoir où vous me reduiſez. Quand ie vous vy, vne force ſouueraine me fit ſentir vne nouuelle forme s’eſbaucher en mes affections, & ie fus preparé à vne nouuelle volonté, laquelle depuis s’eſtant multipliee, s’eſt tranſmuee en vn amour qui ſera l’extreme de mes paſſions, & le terme de mes fortunes : i’en ay mis ma foy entre vos mains, & ie l’y mets encor, ſans iamais vouloir ou pouuoir la reuoquer : Et c’eſt auiourd’huy que ie iuge plus parfaitement de mon courage : car l’abſence qui m’a propoſé quelle difference il y a de voir ſon Soleil, & d’eſtre en tenebres, a examiné mes opinions, & me faiſant apprehender le mal que i’ay trop violentement reſſenti, m’a fait peſer mon deſir, & ma douleur, & cognoiſtre ce qui en eſt. Ma belle, ie ne veux point vous repreſenter l’eſtat de ma peine quand