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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/137

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Le uoyage des Princes


lit en l’ame, & y mit tant de feux, qu’elle ſe trouua toute autre qu’auparauant, & toute brillante d’ardeurs qu’elle eſtoit, ſe vid interieurement toute en flamme. Elle ſe cōmuniqua à ſoy-meſmes, & conſultant le Cabinet de ſes fantaiſies, raiſonne ce qu’elle peut en ceſt accidēt, elle demeure quelque temps en deliberation de laiſſer couler ce nuage, & ſi arreſte ſi fermement qu’elle s’y reſout, en volonté d’arracher ce mal : toutes-fois venant à le repenſer, elle s’y propoſe vn certain beau contentement qui la flatte tant que contraincte, oubliant ſa genereuſe reſolution, elle s’y abandonne, & comme elle auoit eſté violente à s’en vouloir diſtraire, elle fut obſtinee à s’y precipiter, ſe donnant vehementement en proye à l’amour. Quoy ? qu’vne Princeſſe ſupplie vn eſtranger : Qu’vne belle tant de fois deſiree de pluſieurs s’offre à vn qui ne l’a point requiſe ? qu’elle s’humilie deuant celuy qui deuroit auec crainte de n’eſtre exaucé, ramper deuant elle en prieres pour obtenir ſa grace à il n’y a point de moyen, ceſte couſtume ſeroit nouuelle, la tache en ſeroit trop deſ-honneſte, & il y pourroit aller trop au deſaduantage des Dames. Ce conſeil luy cauſe beaucoup de trouble, elle ſe veut diſtraire & faire mourir ceſt inique deſir, auant qu’il croiſſe : Puis elle repenſe qu’il ſeroit impoſſible (veu que l’amour eſt equitable) qu’elle eut receu ce feu ſi vif en ſon ame d’vn œil dont la vie n’eut point d’affection pour elle, & que puis que ce mouuement l’intereſſe, il faut qu’il vienne de luy : C’eſt ainſi que les amans s’abuſent pour auoir