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fortunez. Entreprise I.


auec des oſiers & ſions de ſaules ſe fit vn petit vaiſſeau, ſur lequel il ſe hazarda, & l’eſſayant peu à peu, s’y accouſtuma ſi bien, qu’auec le temps il alloit aſſez loing & reuenoit, à la fin il s’y addextra auec tant de deſir d’eſchapper, qu’il vogua iuſques à la terre qu’il auoit deſcouuerte, & vint aborder en vn lieu qui auoit apparēce d’vn petit port frequenté, il y prit terre, & comme il vouloit s’aſſeurer, choiſiſſant où il tireroit, il apperçeut vn homme qui auoit vne eſpee, il ſe tint ferme, & ſe ſaiſit de la ſienne pour ſe deffendre, s’il en eſtoit beſoin : l’autre approchant & s’eſtāt vn peu arreſté ietta bas ſon eſpee, & vint à bras eſtendus ſe lancer vers luy, & il recognut que c’eſtoit ſon frere Fonſteland. Ceux à qui ſemblable aduanture aduiendroit, pourroient iuger de leur aiſe en ceſte rēcontre nō premeditee, tāt deſiree, & ſi peu eſperee. Fonſteland raconta à ſon frere qu’ils eſtoient en l’iſle des ſerpens, où habitoit la ſage Batuliree, qui auoit tellement par ſon ſç uoir rompu le venin des ſerpens, qu’ils ne leur eſtoient point nuiſibles, ils ſe raconterent comme les gens de l’Empereur les auoient traictez ſans occaſion, & ne ſçauoient qu’eſtoit deuenu leur frere qu’ils regretteront tandis qu’il ſouſpire pour eux. Fonſteland raconta à ſon frere que eſtant expoſé en ceſte iſle, s’abandonnant aux dangers & à la fortune, allant ſans deſſein, il vid vne fille fort belle, qui l’ayant apperceu s’enfuyt, & il la ſuyuit de loing eſpiant ſes pas, qu’il continua tant qu’il arriua où il trouua la vieille Dame pres la Fontaine, qu’il ſalua, & elle le voyant ſeul l’interrogea de ſon eſtre, & de ſa fortu-