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Le uoyage des Princes


de tout, & puis ie ſuis toute d’vne froideur glaceante, qui me priue de toute chaleur. Beleador. S’il y auoit vne eſteincelle de ce feu celeſte qui par vous meſme alume tous les cœurs, vous ne vous declareriez pas tant frilleuſe. Carint. Tous ces feux ne ſont que des inuentions pour ſe dilater en beaux diſcours, quand il n’eſt point queſtion d’affaires ſerieuſes, auſſi ces belles feintes ſont agreables occaſions, de ſe donner du plaiſir en la vanité delectable des diſcours qui ſ’ē font. Belea. Vous faites tort à l’Amour & a vous meſmes, car il n’y a rien tāt ſerieux, que lui obeir & vous ſeruir. Carin. les ſeruices ſont mignonnes occupations d’eſprits, qui ſe delectentés precieuſes feintes de l’hōneur courtois. Voila Beleador faſché, ſon ombre l’a fait broncher, & de fait ceſte controuerſe l’emporta ſi loing, qu’il ſe vid en la balance dans laquelle l’eſpoir eſt peſé auec la vanité, & pour en iuger au vray, voyez comme il en debat auec ſa Dame, & puis il ſ’en repend, telles ſont les douces melancholies d’amour demenant vn eſprit :

Ne faites plus deſtat de mes fidelitez,
Et foulez ſous vos pieds mon humble obeiſſance,
Puis que vo° eſtimez qu’aux feux de vos beautés
Faignāt ce qui me plaiſt ie bruſle en apparence.
Faites auſſi ceſſer l’eſclat de vos beaux yeux,
Faites mourir l’eſprit entre les belles ames,
Si vous ne cognoiſſez mes vœux religieux :
Et ſi vous ne iugez mes feux des viues flames.
Comment cognoiſtriez vous les diuines ardeurs
D’vne ame que l’amour doucement eſpoinçonne,
Quād au pl° grăd effort des pl° grādes chaleurs