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fortunez. Entreprise I.

Toute pleine de froid, tout le corps vo° friſsōne ?
Si vous eſtes ainſ ſans ardeurs, ſans deſirs,
Et au regret des cieux vne inutile image,
Incapable d’amour, indigne de plaiſirs,
Vous eſtes ſans deſſeins, ſans eſpoir, sas courage,
Belle pardonnez moy ie cognoy mon erreur,
Afin de m’esprouuer vous faites ceſte feinte,
Uous recognoiſſez biē aux traits de mō humeur,
Que c’eſt d’amour parfait, que mō ame eſt atteinte
S’il eſt vray que mō cœur n’ait point de paſſiō,
Auſſi voſtre beauté n’aura point d’apparence,
Mais comme vos beautez ſont la perfection,
Auſſi mon amour eſt d’amour la vehemence :
Ne paroiſſés point belle, où ne le ſoyez point,
Puis dites qu’vn ær feint en ces accens reſpire,
Mais voyeK que l’effet à la cauſe eſt conioint,
Et que l’vn eſtāt vray, l’autre vray ſe peut dire :
Ceſſes l’opinion qui m’offence le cœur
Et croyez ie vous pri que mon ame eſt fidele.
Et recognoiſſant bien, iugez de la grandeur
De mes affections, comme vous eſtes belle.
Le froid exterieur dont vous vous reſſentez
Auiourd’huy que l’ardeur entous lieux eſt brillāte,
Demonſtre que vos feux dans le cœur arreſtez,
Conçoiuent vn amour plus grande qu’apparēte.
Ainſi vos feux ſecrets couuez ſecrettement,
Contentent dedans vous voſtre ſage penſee,
Et mes feux qui vous ſont cognus appertement,
Mōſtrēt voſtre pouuoir qui m’a l’ame offencee :
Belle ne dites pas que ie vay retraceant,
Sans ſuiet deſiré ces mignonnes atteintes,
Et que ſans paſſiō ie ſouſpire l’accent,
D’vn cœur qui prend plaiſir aux amoureuſes feintes.