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fortunez. Entreprise I.


maladie, ie viēdray bien toſt aux remedes. Le mal qui vous tient en l’inquietude où vouseſtes, eſt vne profonde melancholie, qui n’eſt point eſmeue par l’indiſpoſitiō des humeurs, mais par vn ſignalé deſplaiſir qui vous eſt arriué d’vne cauſe amoureuſe, par le meſlange d’vne colere trop vehemēte, qui depuis s’eſt régregee pour vn nouueau deſplaiſir : Et ne pouuez eſtre deliuré de ce mal ſi toſt que vous deſireriez, & que ie voudrois bien, d’autant que le remede ne peut eſtre diligēment preſt, & puis il y a vn autre fait que ie iugerois fort biē, ſi vous m’auiez declaré naifuement ce dont ie me doute, parquoy, Sire, contez moy naifuement la verité de tout, & ie vous ſoulageray. Alors l’Empereur luy fit l’entier diſcours des affaires d’Etherine, & adiouſta cöme depuis il auoit perdu tout eſpoir de guerir, ayāt non ſeulement diſgracié les Fortunez, mais les ayant perdus. Lycābe ſçachant vne partie de ce qu’elle deſiroit, outre ce qu’elle en ſçauoit, & entendant par le reſte de ce diſcours le regret que l’Empereur auoit pour les Fortunés, luy promit ſecours le pluſtoſt qu’il luy ſeroit poſſible, & le pria de s’en aſſeurer : ainſi elle ſortit luy promettant de le viſiter ſouuent. Epinoiſe ſcachāt cōme Lycambe auoit conſolé l’Empereur, qui eſtoit fort content d’elle, delibera de l’entretenir, & ſe deceler à elle. Ceſte deſolee Fee euſt voulu, que la maudite fureur de vengeāce qui l’auoit incitee à la trahiſon qu’elle auoit cōmiſe, ne luy fuſt iamais entree au cœur, d’autant que pour ce qui eſtoit ſuruenu, l’amour ne laiſſoit de la flageller auec des pointes plus aigues & qui ſe faiſoiēt plus importunes par le deſeſpoir. Prenant donc occa-


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