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Le uoyage des Princes


ſion de diſcourir auec Lycambe, elle luy raconta ſes amours, & comme elle s’eſtoit en fin malheureuſement vengee, & que pour tout celà ſon mal au lieu de s’appaiſer ſe rengregeoit. Lycambe eſclaircie de tout, luy dit, que la premiere fois qu’elle le verra, elle luy donnera de l’eſpoir & de l’alegeance. Cependant elle pourpenſa en ſoy-meſme ce qui eſtoit de faire, & le lendemain la voyant luy dit, que le vray moyen de deſtourner ces malignes fantaiſies conſiſtoit en l’vſage de quelque aſſeuré Taliſman, & que ſi elle vouloit elle luy feroit celuy d’oubliance, tellement que iamais ne penſeroit au paſſé qui l’afflige. La Fee le refuſa, & luy dit qu’elle aymoit mieux celuy de ſonges volōtaires, pour ſe donner du contentement, Lycambe luy promit, & qu’elle l’auroit dans deux iours. Or vouloit elle la punir de ſa meſchanceté, mais de telle ſorte, que celà luy donneroit plus d’ennuy, de crainte & d’affliction d’eſprit que de mal. Lycambe fit donc le Taliſman de ſonge, mais elle y meſla d’vne liqueur inſipide, qui eſtant eſchauffee en la teſte touche au principe des nerfs, & dans le dixſeptieſme iour apres, ſans qu’on penſe que celà en ſoit la cauſe, fait tomber en l’iſquion vne douleur intolerable, qui ne ſe peut guarir que par le remede cogneu à celle qui a occaſionné le mal. La Fee ayant eu le Taliſman s’en ſeruit vne nuict ſelon l’ordre & la raiſon, & ſongea ce qui luy pleut, & toutesfois eſtant reſueillee trouue que celà ne la pouuoit contenter, d’autant que la perfection n’y eſtoit pas, parquoy reuoyant Lycambe luy rendit, & la pria deluy donner celuy d’oubliāce