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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/201

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Le uoyage des Princes


eſtoit pour leur entrepriſe. Cependant que l’Empereur attendoit la venuë de la vieille, il ſe re ſolut de reprendre ſon ancien courage, & de fait il parut en la meſme conſtance qu’il auoit accouſtumé, & ſe formant auec ſa propre raiſon pour eſtre tel qu’il luy eſtoit decent, ſe ſeoit ſouuent en ſon lict de iuſtice pour faire droict à ſon peuple. Quelques iours eſtoient deſia eſcoulez depuis le depart de Lycambe, que voici vne fortune nouuelle : Ainſi quel’Empereur tenoit le ſiege en ſon Palais, il arriua vn beau & venerable vieillard, tel que ſont ceux qui ont longuement trafiqué és terres loingtaines, qui ſe preſentant humblement deuant l’Empereur, luy dict qu’il auoit vne treſ-humble requeſte à luy faire. D’où eſtes vous ? dict l’Empereur, Il reſpond, Sire, ie ſuis de l’iſle de la Fee Oris. L’emperevr. Comment auez vous nom ? Il dit, Sire, ie fuis nommé le triſte Guiſdee. L’Emperevr. Dites ce que vous deſirez obtenir, & s’il eſt raiſonnable, vous aurez le contentement que vous ſouhaittez. Gvisdee. Sire, ie ſuis vn deſolé marchand, & qui depuis dix ans ay fait vne perte notable, i’auois par rencontre & hantiſe des nations recouuré vne ieune fille aſſez belle que i’auois inſtruite en toutes ſortes de perfections, & tellemēt accomplie, que la voyant en eſtat d’eſtre bonne pour en tirer vn grand & honneſte profit, ie me propoſé de la mener en Leuant és lieux où encores le trafic ſe fait d’eſclaues, & ſeruiteurs eſperāt d’étirer plus de ſix mille pieces d’or : En ceſte de liberatiō ie me mis ſur mer, le vēt apres quelques iours nous ietta en la coſte de Preſange, où ie pris