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Page:Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/224

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fortunez. Entreprise I.


l’en deſtournoient : cependant elle luy fit preſent d’vn treſor ſignalé, & pour tout ne le requit que d’vn don, qu’il luy accorda. Ce fut qu’elle euſt la place de ceſte tour, qu’elle y fiſt baſtir d’vne bonne eſtoffe, & ſi promptement, que la merueille en parut preſque pluſtoſt que le deſſein n’en fut divulgué : Eſtant là à ſon plaiſir, & y paſſant le temps à ſon gré, elle y faifoit accueil à toutes ſortes de gens d’eſprit, tant du pays que d’eſtrangers, meſmes ſouuent l’Empereur la viſitoit, treſ-content d’vne hoſteſſe tant excellente. Or s’eſtant accommodee de tout ce qui luy eſtoit neceſſaire, elle fit vn traict ſurmontant toute opinion, car par vne force non cogneue aux mortels, elle fit ſi bien, & auec tel art, que tous ſes ennemis vn à vn la vindrent viſiter, ce contentement luy eſtoit grand de voir ſes aduerſaires auec grands fraiz & peines la venir trouuer, elle les logeoit tous en la ville, & les retenoit ſans qu’ils euſſent enuie de s’en retourner, quand elle les eut tous aſſemblez, elle leur fit voir l’honneur que l’Empereur luy rendoit, leur donna le plaiſir des beaux lieux du pays, & leur fit entendre ſa pieté particuliere, puis les fit tous venir à vn banquet qu’elle leur auoit preparé en la tour : Apres lequel elle leur fit vne harangue, par laquelle elle leur remonſtra leur impieté, ayant meſchamment & ſans cauſe mal parlé d’elle, & d’infinies Dames, & en les tançant leur dit qu’il falloit qu’ils ſe reſoluſſent de ſentir en eux-meſmes le mal que cauſe la dent enuenimee : ce diſant elle ietta vn bouquet ſur la table, & dit, Voila le guerdon du plus iuſte :