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Le uoyage des Princes


de nature, eſquels elle excelloit, & conſiderant la gentilleſſe de ſon eſprit, & addreſſe de ſes actions, ſ’eſbahiſſoit de ceſte indignité, & iugea par là, qu’il n’y a qu’vne certaine opinion folle, ui deçoit. En ceſte vehemente penſee, elle ſ’af § tant de ſa ſœur, que ſon amitié ſe träſ mua en amour, & eut voulu que l’vne ou l’autre euſt changé de ſexe & de ſang pour ſ’vnir amia blement : ceſte affection ſe multiplia tant, & ſe fit ſi fermement mutuelle, que ces deux cœurs auoient de la paſſion l’vn pour l’autre. Le pere viuoit encor durant ces amours, qui continuoiét & en fin luy deſpleurent, par ce qu’il auoit en haine ſa puiſnee, ſans ſçauoir pourquoy, en ce · dedain ill’oſta d’aupres de luy, & de ſa fille, & la relegua en la Taprobane, dequoy les deux ſœurs receurent vn extreme ennuy : or leur ſeparation ſ’effectuant & ſe diſans à Dieu, elles ſeiurerent reciproque ſouuenance perpetuelle : La puiſnee qui eſtoit tout eſprit, alla tant & vint par l’iſle de ſon exil qu’elle ſe trouua en la grotte de la nouuelle Axilee heritiere du bien & de la ſciéce de l’antique Axilee, qui dés les ſiecles d’antiqui té, auoit trouué l’Eſco, & l’occaſion en fut pour vne pareille auanture d’amitié qu’elle portoit à vne ſienne ſœur, auec laquelle illuy eſtoit inter dit de conferer, & elle † tant par ceſte inuen tion, que iournellement elles communiquoiét enſemble. Le moyen qu’elle en inuenta, fut qu’elle congela vne grande quantité d’air, dont elle fit vn tuyau fort grand, qu’elle pouſſa tant Par deſſus les monts, par les raz des eaux, par les antres & cauernes, que l’extremité en vint iuſ-