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Le uoyage des Princes


& de ſes freres alla viſiter le Cenotafe & en eſplucha l’edifice, qui eſtoit en forme de pauillon, ayant les coſtez de long fermez de vingt piliers de iaſpe, & ceux de la largeur accommodez de ſept d’ebene, tellement diſpose, qu’aiſément on diſcernoit ce qui eſtoit dedans, c’eſtoit vne lame d’or fin toute nuë autour, & au milieu il y auoit en lettres d’argent ceſte proſe,

Icy eſt vn ſepulchre qui n’eſt point ſepulchre,
Icy repoſe vn corps qui n’eſt point corps,
Icy eſt vn eſprit, qui ne fut onc eſprit,
Il n’y a icy ny corps, ny eſprit, ny ſepulchre,
Tout eſt ſepulchre, eſprit, & corps.

Le Fortuné ayant rapporté à ſes freres ce qu’il auoit veu, leur en demanda leur auis : Ils luy dirent, puis que vous auez tout bien conſideré, c’eſt à vous d’en dire ce qu’il vous en ſemble, à cela les Demoyſelles adiouſterent leurs prieres : adonc il dit, Ie ſuis deceu en mon opinion, s’il n’y a icy vne grande feinte, & ne doute que qui a fait cet eſcrit ſçait ce qui en eſt : Ie m’aſſeure que c’eſt vne persöne ſcauante qui recognoiſt le dueil des autres que elle flatte en s’en riant, ou bien ſ’en attriſtant par telle pitié, qu’il n’y a pas eu moyen de ſ’exprimer qu’en celant quelque ſignalee meſauenture. Durant ces diſcours la Dame qui le matin auoit entretenu les Fortunez, ſurueint, & ayant ſceu ce que le ieune Fortuné penſoit de ce ſujet, par la repetition qu’il en fit & la ſuite qu’il en continua, elle luy reſpon, Heureux cheualier ie croy que Vous auez des particulieres intelligences, & que le plus recellé des cognoiſſances eſt en voſtre cœur : quand ie penſe à ce que vous dites, ie m’auiſe que